Le projet de parc photovoltaïque du Mas Romeu à Perpignan cristallise les tensions entre transition énergétique et préservation de l’environnement local. Avec ses 28 860 panneaux solaires prévus sur 15,8 hectares, ce projet soulève de vives inquiétudes quant à son impact sur la biodiversité. Alors que les Pyrénées-Orientales cherchent à développer les énergies renouvelables, ce cas illustre les défis complexes auxquels font face les territoires pour concilier enjeux écologiques et énergétiques. Comment Perpignan peut-elle trouver un équilibre entre ses ambitions vertes et la protection de son patrimoine naturel ?
Un projet ambitieux aux retombées énergétiques prometteuses
Le parc photovoltaïque du Mas Romeu, porté par la société Arkolia Energies, présente des caractéristiques techniques impressionnantes :
- Puissance installée : 17,03 Mégawatts crête (MWc)
- Production annuelle estimée : 23,4 GWh/an
- Équivalent consommation : 10 500 habitants
Ces chiffres placent le projet comme un acteur potentiellement majeur de la transition énergétique locale. Dans un département où la demande en électricité ne cesse de croître, notamment en période estivale, une telle installation pourrait contribuer significativement à l’autonomie énergétique du territoire.
Une richesse écologique menacée
Cependant, le site choisi pour l’implantation du parc s’avère être un écosystème d’une grande richesse. Le bassin de rétention du Mas Romeu abrite :
- 54 espèces d’oiseaux, dont 45 protégées
- Des espèces emblématiques comme le milan noir et la cigogne blanche
- Une importante population de chiroptères (chauves-souris)
Les études d’impact révèlent des chiffres alarmants : une réduction de 30 à 40% des insectes entre les rangées de panneaux, atteignant 70 à 80% sous les panneaux. L’activité des chauves-souris sur les parcs photovoltaïques est 10 fois inférieure à celle des habitats alentour.
Une procédure contestée et une mobilisation citoyenne
L’enquête publique menée du 28 novembre au 30 décembre 2024 a abouti à un avis défavorable du commissaire enquêteur. Thierry Wiegand-Raymond pointe notamment l’absence de demande de dérogation pour les espèces protégées, privant ainsi le public d’une information cruciale.
Face à ces enjeux, les associations écologistes locales se mobilisent. FRENE 66, la LPO et Espira Nature Agly ont appelé à une manifestation le 8 février 2025 sur le site du projet. Leur objectif : sensibiliser le public à la richesse écologique de cette zone humide et s’opposer au projet.
Les retombées économiques, un argument de poids
Arkolia met en avant les bénéfices économiques pour le territoire :
- Un loyer annuel de 6 000 à 8 000 euros par hectare pour le syndicat mixte des bassins-versants de la Têt
- La vente d’électricité à tarif préférentiel aux riverains et collectivités dans un rayon de 2 km
Ces arguments économiques pèsent dans la balance, notamment dans un contexte de hausse des prix de l’énergie et de recherche de ressources financières pour les collectivités locales.
Un dilemme local aux implications nationales
Le cas du parc photovoltaïque du Mas Romeu illustre un dilemme auquel font face de nombreuses collectivités en France. D’un côté, l’urgence de la transition énergétique et les objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables. De l’autre, la nécessité de préserver la biodiversité et les écosystèmes locaux, eux-mêmes menacés par le changement climatique.
Ce projet s’inscrit dans un contexte plus large de lutte contre la pollution atmosphérique à Perpignan, où la question de la qualité de l’air et de la transition écologique est au cœur des préoccupations.
Le rôle crucial des décideurs locaux
La décision finale concernant le projet revient au préfet des Pyrénées-Orientales. Son choix sera scruté de près et pourrait créer un précédent pour des projets similaires dans la région. Le maire de Perpignan, Louis Aliot, déjà engagé sur d’autres fronts comme la lutte contre le trafic de drogue, devra également se positionner sur ce dossier sensible.
La transparence des processus décisionnels sera cruciale, comme l’a montré l’enquête récente de la Cour des comptes sur les commandes de la mairie à des cabinets de conseil privés.
Perspectives et pistes de réflexion
Face à ce dilemme, plusieurs pistes de réflexion émergent :
- La recherche de sites alternatifs moins sensibles écologiquement
- L’exploration de technologies solaires plus respectueuses de la biodiversité
- Le développement de projets à plus petite échelle, intégrés au tissu urbain existant
- Le renforcement des mesures compensatoires et de la protection des espaces naturels environnants
L’exemple d’autres communes, comme les actions menées contre le gaspillage énergétique lié à la publicité lumineuse, montre que des alternatives innovantes existent pour concilier développement durable et préservation de l’environnement.
Conclusion : vers un nouveau modèle de développement local
Le projet de parc photovoltaïque du Mas Romeu à Perpignan est emblématique des défis auxquels font face les territoires dans leur transition écologique. Il souligne la nécessité d’une approche holistique, prenant en compte non seulement les enjeux énergétiques et économiques, mais aussi la préservation de la biodiversité et la qualité de vie des habitants.
L’issue de ce débat local pourrait influencer la manière dont d’autres communes abordent des projets similaires. Perpignan a l’opportunité de se positionner comme un modèle de développement durable, en trouvant un équilibre innovant entre production d’énergie renouvelable et protection de son patrimoine naturel. La décision finale, attendue dans les prochains mois, sera scrutée bien au-delà des frontières des Pyrénées-Orientales.