L’appel téléphonique entre Emmanuel Macron et Abou Mohammed al-Joulani, nouveau dirigeant syrien par intérim, marque un tournant diplomatique majeur pour la France et l’Occident. Cette conversation, qui s’est tenue le 5 février 2025, soulève de nombreuses questions sur l’avenir des relations franco-syriennes et la stabilité régionale au Moyen-Orient. Alors que 67% des Israéliens soutiennent une trêve avec le Hamas selon un récent sondage, cette initiative française pourrait-elle ouvrir la voie à une nouvelle ère diplomatique dans la région ?
Un rapprochement diplomatique inattendu
L’entretien entre Macron et Joulani intervient dans un contexte géopolitique complexe. Le président français a exprimé son « plein soutien à la phase de transition » en Syrie et insisté sur l’importance de la lutte contre le terrorisme. En retour, Joulani a promis des élections et une « transition politique modérée ». Cette conversation a culminé avec une invitation officielle à Paris pour la conférence sur la Syrie prévue le 13 février.
Ce rapprochement soulève cependant des interrogations, notamment en raison du passé controversé de Joulani. Ancien chef de Hay’at Tahrir al-Sham (HTC), une organisation affiliée à Al-Qaïda, Joulani figure toujours sur les listes terroristes des États-Unis et de l’ONU. Sa récente stratégie de normalisation internationale, illustrée par des visites en Arabie saoudite et en Turquie, témoigne d’une volonté de redorer son image sur la scène mondiale.
Les enjeux pour la France et la Syrie
La stratégie française au Moyen-Orient
Pour la France, cette initiative vise à renforcer son influence au Moyen-Orient et à contourner l’influence russe et turque dans la gestion post-Assad. Cependant, cette approche n’est pas sans risques. L’engagement avec un ancien leader terroriste pourrait délégitimer la position diplomatique française aux yeux de ses alliés occidentaux.
Les défis de la transition syrienne
Du côté syrien, Joulani promet des élections tout en contrôlant déjà 70% du territoire via l’HTC. La Syrie fait face à des défis économiques colossaux, avec un PIB en chute de 80% depuis 2010, une inflation galopante à 120%, et 95% de la population vivant sous le seuil de pauvreté. La reconstruction du pays est estimée à 400 milliards de dollars, un montant que la France seule ne peut assumer.
Réactions internationales et implications régionales
Les réactions à cette initiative française sont mitigées sur la scène internationale. La Turquie, par exemple, soutient Joulani dans le but de contrer l’influence kurde. Les États-Unis, sous l’administration Trump, envisagent un retrait de leurs 2 000 soldats stationnés en Syrie. L’Union européenne, quant à elle, reste officiellement silencieuse, bien que certains pays comme l’Allemagne aient exprimé des critiques.
Ce rapprochement franco-syrien s’inscrit dans un contexte régional en pleine mutation. En Israël, où 67% de la population soutient une trêve avec le Hamas, on observe une tendance à la normalisation des relations avec la Syrie, principalement pour contrer l’influence iranienne. La Russie, bien que silencieuse, pourrait s’inquiéter d’une concurrence occidentale accrue dans la région.
Perspectives et scénarios futurs
Plusieurs scénarios se dessinent pour l’avenir des relations franco-syriennes et la stabilité régionale :
- Un scénario de coopération, avec un accord sur la lutte contre l’État islamique en échange d’un retrait américain.
- Un scénario de tensions, notamment avec un possible blocage kurde face à l’intégration dans l’armée syrienne, ou des contestations au sein de l’UE sur les méthodes de Joulani.
- Des risques persistants, comme la radicalisation de groupes sunnites marginalisés ou une instabilité post-électorale si les minorités sont exclues du processus politique.
Impact sur la politique intérieure française
Cette initiative diplomatique pourrait avoir des répercussions sur la scène politique française. Alors que François Bayrou a récemment utilisé le 49.3 pour faire passer son plan d’austérité, la politique étrangère de Macron pourrait devenir un sujet de débat national. Les oppositions pourraient critiquer cette approche comme étant trop conciliante envers un ancien leader terroriste, tandis que les partisans du président y verront une opportunité de renforcer l’influence française au Moyen-Orient.
Conclusion : un pari diplomatique risqué
L’entretien Macron-Joulani marque un tournant diplomatique audacieux pour la France, mêlant pragmatisme géopolitique et ambiguïté morale. L’avenir de cette initiative dépendra de la capacité de Joulani à concilier ses promesses de modération avec son passé controversé, ainsi que de la réaction des acteurs régionaux et internationaux. Dans un contexte où les États-Unis connaissent des manifestations massives contre les réformes de Trump, cette nouvelle dynamique au Moyen-Orient pourrait redessiner les équilibres géopolitiques mondiaux. La France, en prenant cette initiative, se positionne comme un acteur clé dans la résolution du conflit syrien, mais devra naviguer avec précaution dans les eaux troubles de la diplomatie moyen-orientale.