La plage de la Garoupe, lovée dans l’écrin du Cap d’Antibes, n’est pas seulement une bande de sable face à la Méditerranée. Elle constitue un véritable chapitre oublié de l’histoire moderne de la Côte d’Azur. Entre ses eaux turquoise et sa vue imprenable, se cache le secret d’une transformation aussi radicale qu’inattendue : celle qui fit passer la région d’une campagne endormie à l’emblème mondial du glamour estival.
La révolution des Murphy : quand deux Américains inventèrent l’été méditerranéen
Au début des années 1920, Gerald et Sara Murphy, couple de millionnaires américains fascinés par l’art, posèrent leurs valises sur le Cap d’Antibes. Ce qu’ils découvrirent alors était loin du paradis que nous connaissons aujourd’hui : une plage couverte d’algues, de filets abandonnés et fréquentée uniquement par quelques pêcheurs locaux.
Visionnaires, les Murphy entreprirent de nettoyer manuellement la crique, transformant cet espace sauvage en un havre balnéaire. Leur objectif ? Créer un lieu où se retrouverait l’élite artistique et intellectuelle de l’époque. Un véritable laboratoire social et culturel qui allait redéfinir les codes de villégiature sur la Côte d’Azur.
« C’est ici, sur cette plage qu’ils ont nettoyée de leurs propres mains, que l’été méditerranéen a véritablement été inventé », rappelle l’historien local Jean Fornaro. « Avant eux, les riches visiteurs ne venaient qu’en hiver, fuyant le froid nordique. »
Un panthéon littéraire et artistique au bord de l’eau
La magie opéra rapidement. Sous l’impulsion des Murphy, la Garoupe devint le rendez-vous d’une génération exceptionnelle d’artistes. Ernest Hemingway y conçut des passages de « L’Adieu aux armes », tandis que F. Scott Fitzgerald y puisait l’inspiration pour « Tendre est la nuit », son roman en partie autobiographique situé sur cette côte.
Pablo Picasso alternait baignades et séances de peinture, capturant la lumière unique de ce littoral. Coco Chanel, Cole Porter et bien d’autres figures emblématiques des Années folles s’y retrouvaient, créant un bouillon de culture exceptionnel sur ce bout de plage transformé.
Entre paradoxes et contradictions
La Garoupe incarne le paradoxe d’un lieu façonné pour quelques privilégiés qui allait pourtant définir l’identité touristique de toute une région. Aujourd’hui encore, la plage vit au rythme de cette dualité : privatisée à 95% en été par des établissements chics, elle redevient sauvage et accessible l’hiver, lorsque les algues et le bois flotté reprennent possession des lieux.
Autre singularité étonnante : plusieurs beach clubs privés y pratiquent une politique stricte d’interdiction des selfies et photos, privilégiant « l’instant présent » dans un monde hyperconnecté – une rareté sur les plages méditerranéennes modernes.
Un patrimoine historique préservé malgré les épreuves
Les drames de l’Histoire n’ont pas épargné ce petit coin de paradis. En 1944, le phare voisin de 29 mètres fut dynamité par les forces nazies en retraite. Reconstruit à l’identique après la guerre pour un coût de 20 millions de francs (équivalent à 8 millions d’euros actuels), il veille aujourd’hui sur ce site emblématique du haut de ses 103 mètres d’altitude.
Le sentier du littoral, long de 2,7 kilomètres, permet de suivre les traces de ces illustres visiteurs. Certains initiés y pratiquent même le « snorkeling littéraire », nageant entre les rochers décrits par Fitzgerald et Hemingway dans leurs œuvres.
Une plage entre mythe et réalité contemporaine
Malgré son histoire glorieuse, la Garoupe demeure un lieu contrasté. En pleine saison estivale, seules deux zones publiques d’environ 50 m² chacune restent accessibles aux visiteurs sans passer par les établissements privés. Un contraste saisissant avec l’esprit d’ouverture qui animait ses illustres fondateurs.
Les villas Belle Époque qui surplombent la plage ont inspiré un style architectural « Riviera » désormais reconnaissable dans le monde entier. Des Palm Beach à Miami Beach, l’influence de ce petit coin de paradis français s’est exportée bien au-delà de ses rivages.
FAQ : Découvrir la plage de la Garoupe
Quand visiter la plage de la Garoupe ?
Pour profiter pleinement de l’accès public, privilégiez la période d’octobre à avril. Pour l’ambiance festive des beach clubs, optez pour juillet-août, mais prévoyez un budget conséquent.
Comment accéder au sentier du littoral ?
Le sentier est accessible depuis la plage de la Garoupe. Comptez environ une heure pour parcourir ses 2,7 km jusqu’à la villa Eilenroc. Chaussures adaptées recommandées.
Existe-t-il des vestiges de l’époque des Murphy ?
Leur villa originale n’est plus visitable, mais le paysage général et certains établissements historiques conservent l’esprit des lieux. La table d’orientation sur le plateau de la Garoupe offre une vue similaire à celle qu’ils contemplaient.
La plage est-elle familiale ?
Les zones publiques sont petites mais adaptées aux familles, avec une pente douce idéale pour les enfants. Hors saison, la plage entière devient un terrain de jeu fascinant.
