Rien ne va plus entre les commerçants de la Plage et les patrons de l’hôtellerie de plein air
Depuis dix ans, chaque saison d’été, un bar ferme ses portes dans la plus populaire des stations balnéaires du littoral du Languedoc-Roussillon, Argelès-sur-Mer, par ailleurs toujours capitale européenne de l’hôtellerie de plein air, avec un patrimoine fort d’une cinquantaine de campings. Ce n’est pas ici qu’il y a les campings offrant la plus grande capacité d’accueil, mais c’est bien là que se trouve la plus importante concentration de terrains.
En dix ans, ces campings ont justement réussi à écrire localement une saga à succès. On est bien loin, très très loin, des campings réservés aux seuls « congès payés », dont les bénéficiaires étaient en grande partie les ouvriers du Nord et de l’Est de la France, de la région parisienne, principalement donc des foyers modestes. C’était le temps béni du « Camp pilote », premier camping à voir le jour sur la plage d’Argelès-sur-Mer, depuis rebaptisé « Le Roussillonnais », toujours à la sauce municipale.
Aujourd’hui, les campings d’Argelès-plage, majoritairement, se situent plutôt dans la fourchette des 3-4 étoiles que des 1-2 étoiles : des valeurs sûres pour tous les goûts, grâce à des infrastructures que même, à de rares exceptions près (Qui confirment la règle), l’hôtellerie classique n’est plus en mesure d’offrir dans notre région.
L’hôtellerie de plein air s’est transformée ambitieusement, non seulement en se mettant à la page des normes européennes, en s’adaptant à l’air du temps aussi… et, surtout, en tirant le tourisme et le touriste vers le haut (de gamme).
Ainsi, dans certains campings, en haute saison estivale, de mi-juillet à mi-août traditionnellement, il n’est pas rare de recenser des locations de mobil-home à 1 500€, voire 2 000€ (selon nombre de couchettes, emplacement et classement du camping) la semaine… Même le terrain municipal « Le Roussillonnais », en cette période de vacances d’été, est devenu inaccessible pour toute une catégorie sociale d’estivants.
Les propriétaires argelésiens de ces campings – dont le plus petit ne se négocierait pas en-dessous de 5 millions d’euros s’il était à la vente… et qui ne le resterait pas, à la vente, plus d’un mois ! – ne se sont pas contentés de mettre le paquet sur le confort et la déco, faisant preuve quelquefois d’un énorme potentiel de créativité et de savoir-faire pour retenir au maximum la clientèle à l’intérieur de leurs villages de tentes, de caravanes, de chalets, de mobil-home…
En 2014, et depuis le début des années 2000, un camping à Argelès-plage, ce n’est pas qu’un « toit », aussi chic et décoré soit-il, pour passer des vacances, c’est également, de plus en plus fréquemment : une piscine olympique (ou presque !), avec des gadgets et des jeux aquatiques dignes d’un parc d’attractions international, une salle des fêtes, des boutiques, un restaurant parfois gastronomique, une discothèque, une supérette, un point chaud, un espace coiffure & esthétique, une droguerie, une charcuterie, des équipes qui jouent aux GO comme dans un Club Med’ pour une convivialité bien dosée, des services à la personne (garde d’enfants, accompagnement lors d’excursions…), etc.-etc. Bref, dans l’inventaire de tous ces équipements, il ne manque plus que la pharmacie.
Ah, n’oublions pas les bars-musicaux, à l’intérieur des campings, où même les jeunes du village ont pris l’habitude d’ancrer leurs soirées de mai à septembre, car, ils en témoignent eux-mêmes : « C’est là que nous faisons de belles rencontres, nos conquêtes d’été !, et c’est surtout moins cher d’y prendre un verre que d’aller siroter sur le front-de-mer (…) ».
Car l’Open Bar fonctionne aussi pour les personnes extérieures aux campings, dans certains endroits équipés d’une ambiance commerciale.
Ceci expliquerait donc cela, pour partie en tout cas, concernant la fermeture d’une dizaine de bars dans la station depuis une grosse décennie. Souvenons-nous, à titre d’exemples : le Caraïbe, le Roberto, les Nip’s, le Habana Café, le Félin, le Mangos, le Grain de Café, le Mas del Mar… Toutes ces enseignes et bien d’autres encore ont disparu des célèbres allées piétonnes.
Jean-François Bey… « au nom des campings » , un point c’est tout !
Derrière le succès de l’hôtellerie de plein air d’Argelès-sur-Mer, il y a généralement des familles (dont les fameux Carletti à la tête entre autre du géant des campings argelésiens et bel exemple souvent cité en référence à l’international, La Sirène) et un individu en particulier : Jean-François Bey, très influent 7ème adjoint délégué au Tourisme dans la municipalité socialiste de Pierre Aylagas, dirigeant de l’Office municipal de tourisme, exploitant du camping Les Galets… et président de la fédération régionale Languedoc-Roussillon des campings.
En dix ans, Jean-François Bey, irrésolu, a pourtant révolutionné l’image du tourisme local. Avec son expérience, ses réseaux et sa façon d’être comme si de rien était justement, d’agir sans trop insister, en toute modestie (et discrétion car il n’est pas homme à stationner sous les projecteurs de l’actualité)… son habileté s’est facilement imposée, en dilettante, au point qu’il a réussi à se rendre incontournable auprès de son député de maire.
Mais voilà, ses méthodes de travail sont loin de faire l’unanimité, même si ses plus farouches opposants lui reconnaissent mérites et succès.
Certes, Jean-François Bey n’a jamais fait preuve de vouloir monter sa petite écurie pour se lancer dans un défi électoral dans la course à la succession de Pierre Aylagas, ou simplement pour peser comme Antoine Parra, Guy Esclopé, Danilo Pilon ou Charles Campigna. Certes.
Et le paradoxe, dans tout ça, c’est qu’en ne suivant pas les règles classiques de la politique catalano-catalanesque, Jean-François Bey parvient pourtant à faire entendre sa voix, celle de « toute » sa profession en tout cas.
Et c’est bien cela que les professionnels du tourisme – à la tête de bars, brasseries, restaurants, hôtels, boutiques de plages et de textiles – lui reprochent : ne faire que pour les campings et négliger totalement l’autre réalité touristique argelésienne.
L’affaire commence à faire grand bruit, depuis notamment que des restaurateurs, cafetiers et professionnels de la vie nocturne locale se sont réunis, en fin de saison, pour dénoncer des pratiques inquiétantes : lors des pots d’accueil mis en place pour recevoir la clientèle à son arrivée, dans certains campings, les animateurs inviteraient celle-ci à ne surtout pas aller consommer dans les commerces de la plage, invoquant insécurité et arnaque !
Des commerçants ont rapporté très officiellement de tels propos, témoignages de campeurs à l’appui : « Cela ne concerne qu’une dizaine de campings sur la cinquantaine existante, mais ça existe », s’inquiète un restaurateur, qui par ailleurs dénonce pêle-mêle : « Les jeunes qui sont dans les campings doivent rentrer leurs véhicules au plus tard à 23h… Sachant que le petit train, seul transport en commun à fonctionner entre le Village et la Plage, entre les campings situés à Taxo, au Racou et ailleurs sur le territoire s’arrêtent de fonctionner à Minuit, voire à 23h 45, comment fait-on pour les restaurants, les bars-musicaux et autres commerces qui sont ouverts en été jusqu’à 2h du matin, et au-delà pour les discothèques et clubs ?… Tout est à revoir. Il faut remettre à plat notre conception du tourisme au plan local, si non on court à la catastrophe… La Municipalité devrait nommer un Monsieur Tourisme – elle en a les moyens – indépendant de tout business dans la station, ayant une vision extérieure. Il faut faire vite ! Les jeunes dans la tranche d’âge des 16-25 ans ont commencé à déserter la station ; on l’a vu avec les groupes de Hollandais qui se sont retirés depuis deux ans pour retourner sur la Costa Brava, en Espagne… La Municipalité doit nous dire quel type de tourisme elle souhaite… Devra-t-on aller installer nos commerces dans les campings ?… ».