C’est une tradition immuable, l’occasion pour chaque maire de soigner son image, sa « pub »… à deux mois des élections municipales
Depuis le 3 janvier dernier, c’était à Collioure pour la « première » de l’année, et jusqu’au 25 janvier prochain au Barcarès pour la « dernière » – car programmée chaque dernier samedi du mois de janvier… – les cérémonies de voeux des maires (et de leurs conseils municipaux) se succèdent à un rythme effréné.
Pour rien au monde, les élus politiques ne s’en, même si, ça et là, dans de toutes petites communes sans importance stratégique au niveau de l’échelon électoral, des maires ont décidé de supprimer ces « cocktails dînatoires » face à la crise.
Pas question pour autant pour nos grands maires roussillonnais de s’exonérer d’une telle tribune annuelle, d’un tel rendez-vous avec leurs « très chers électeurs »… surtout à quelques semaines d’une échéance capitale pour eux !
Petits fours et verres de l’Amitié envahissent ainsi les salles de fêtes, centres culturels et autres halles sportives polyvalentes pendant tout ce mois de janvier.
On décore souvent les lieux avec opulence, les buffets dressés débordent généreusement de victuailles, de boissons, voire de petits cadeaux à l’attention toujours de ces « très chers – et décidément très précieux – électeurs ». Il faut que ça brille, que ça swingue, il faut en mettre plein la vue : la moindre boule de picoulat (il y en a sur certaines tables en Salanque ou en Vallespir) doit valoir son pesant d’or, pour mettre en valeur les saveurs du terroir… et du candidat.
Les apparats d’empereur sont de sortie. Entre le velouté de légumes et le chapelet de volailles bourrées de farce, ce soir-là nos élus ne connaissent pas le juste milieu. Ils sont dans la démesure totale, en grande forme et en grandes pompes.
Aux orties la courbe du chômage, la croissance, la réforme fiscale, les problèmes de logement, la tempête financière… Ce soir, tout le monde (dans sa tête) roule en Ferrari-Lamborghini, grignote des macarons de chez Ladurée, hume de la truffe blanche, croque des bouchées magique, se frotte les mains de mojito et se parfume à la pêche melba. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. C’est un feu d’artifices, tout doit « faire joli » pour que l’électeur en ait pour son bulletin de vote !
Certains élus n’hésitent pas à faire appel à des traiteurs pour régaler les invités, d’autres font venir des danseurs, des musiciens, les slameurs catalans de service, des artistes-peintres, mais les vrais comédiens restent sur l’estrade… Car il s’agit bien de démarrer l’année sur les chapeaux de roue. Il ne faut négliger aucun détail car, sous couvert d’un apéritif (ou d’un dîner) républicain, le client, heu pardon l’Electeur !, doit se sentir Roi.
Ailleurs, on a pris l’habitude de sceller au sol les plantes vertes, de surveiller les bouteilles de « jaune », de distribuer les gobelets à la demande et non de les poser systématiquement sur les tables, pour éviter toute razzia au moment du départ des convives. On a tellement vu des électeurs repartir, avec des calories certes, mais aussi en emportant la vaisselle et les « restes » que mieux vaut être vigilant…
Et cette année, comme chaque six ans, il faut d’autant plus, et d’autant mieux, mettre le paquet sur le visuel, le décorum, que la Loi interdit aux maires-candidats-à-leur-propre-succession de se lâcher au micro : ils ne peuvent ni dresser un bilan de l’année écoulée ni tracer des perspectives pour l’année à venir, au risque de se retrouver à payer de leur poche le financement du cocktail et, par ricochet, de faire exploser leur compte de campagne. L’électeur n’aura donc pas droit à son festin de paroles. Il faudra rajouter sur les tables plusieurs louches de pizzas (surgelées).
En effet, en période électorale, ce qui est aujourd’hui le cas avec le renouvellement prochainement des conseils municipaux, la communication des candidats est très strictement encadrée, soumise à des règles précises. Attention aux recours !
Tout moyen de communication financé par la commune ne doit pas être assimilé à la campagne d’un candidat, à un acte de propagande. Il est possible de parler de tout ce qui est engagé… mais il faut éviter de parler des projets, des nouvelles orientations, sans quoi le maire-candidat s’expose à avoir à sa charge les frais engagés par la commune pour la cérémonie. La législation est claire à ce sujet : elle interdit aux communes de financer toute promotion d’un candidat… On peut organiser des cérémonies de vœux, la règle principale étant de garder un contenu et un ton neutres, objectifs, tant dans le discours que dans les films, les diaporamas, les documents remis, etc.-etc.
Pour une fois, ce qui paraît-il n’est pas la coutume en Pays catalan, les maires – en tout cas pour la (presque) moitié des 226 qui ont décidé de se représenter – n’auront plus qu’à nous parler de la pluie et du beau temps… au pays des merveilles.