Il y a le ciel, le soleil, la mer, les plages, les rivières, les forêts, la montagne… sans oublier, au-delà de ce patrimoine naturel d’exception, de précieux monuments, de la vigne et du très bon vin, une gastronomie identitaire qui s’appuie sur un garde-manger issu de terroirs regorgeant de récoltes abondantes, une ambiance festive quasi-permanent… et l’on pourrait développer à foison cette carte postale idyllique, au travers de légendes et de vécus depuis les sommets cerdans jusqu’aux criques de la Côte Vermeille, en redescendant sur terre – sans pour autant quitter ce paradis – par le Conflent, les Aspres, le Vallespir, simplement en longeant les fleuves La Têt et Le Tech…
Pourtant, en dépit de ces nombreux attraits, malgré une démographie dynamique et une réelle attractivité maintes fois servie en exemples pour surligner et souligner le bonheur de vivre ici, au cœur de paysages magnifiques, jamais le Pays catalan n’aura traversé jusqu’ici une période économique, sociale et culturelle aussi compliquée, faite d’obstacles et de revers, d’échecs surtout. Alors, que s’est-il passé ? Car les raisons de ce désastre ne sont à chercher ni à Toulouse ni à Montpellier et encore moins à Paris. Ce sont bien les gens d’ici qui n’ont pas su saisir les chances de leur environnement, qui ont loupé plus d’un train, en l’occurrence le TGV, notamment, mais pas que !
Tandis que Jacques Blanc pavait d’or les routes de Lozère…
Droite et gauche, catalanistes compris, sont à mettre dans le même sac, dans le même panier. A tour de rôles, les partis politiques ont eu, à un moment donné, toutes les commandes en main – Département, Région, Gouvernement – pour faire changer le cours des événements. Et tandis, par exemple, pour prendre l’un des départements comptant parmi les plus enclavés et défavorisés de l’ex-région Languedoc-Roussillon (et de France et de Navarre), la Lozère, que l’ancien président de cette ex-Région, Jacques Blanc, alors député-maire de La Canourgue, se battait pour une autoroute gratuite (l’A-75) et paver d’or son réseau routier départemental, sous le soleil du Roussillon l’heure était au farniente. Uniquement. Plutôt que de se projeter dans le futur, d’afficher des ambitions audacieuses, visionnaires, « on » se chamaillait dans des polémiques à répétition, avec des finances exsangues souvent illustrées par des politiques locales sectaires, clientélistes, gangrénées par des personnalités d’un autre âge ou des combats d’arrière-garde de partis.
De cette époque, dont certains élus locaux, dans les P-O, sont toujours les dignes représentants, les superbes héritiers, deux à trois décennies plus loin, plus tard, il faut retenir, entre autres, trois erreurs : la Route-Nationale 116, le TGV bien sûr… et le théâtre de l’Archipel.
Concernant la RN-116, elle ne sera plus jamais élargie comme elle devrait l’être pourtant depuis vingt ans. Sur le terrain, des associations, des individus, continuent cependant d’y croire, de se battre. En vain. Quoi qu’on en pense, quoi qu’on en dise, à un moment donné les élus d’ici (et pas d’ailleurs) n’ont pas fait le job. Conséquence, à plus ou moins long terme, nombre de nos stations des Neiges Catalanes sont condamnées. Est-il admissible, supportable, les week-ends d’hiver, de passer jusqu’à trois heures sur la route pour aller de Perpignan à Font-Romeu, aux Angles, c’est-à-dire pour parcourir une centaine de kilomètres ? Bien sûr que non. Même du côté de la Principauté d’Androrre, où le choix naturel des voies de communication devait logiquement se faire par Prades et Perpignan pour atteindre le littoral, notamment, les Andorrans se sont tournés vers Barcelone, au sud, et Toulouse, au nord, s’assurant ainsi une bonne desserte.
…le Pays catalan ratait son TGV !
Le TGV ? C’est la cerise sur le gâteau. Autrement dit : c’est le symbole qui ajoute de l’exaspération au mécontentement constant des habitants des P-O. Alors, quand il y avait les financements pour cela, au tout-début des années 90, qu’il fallait parier sur une ligne à grande vitesse (LGV) reliant Montpellier à Barcelone, et dont Perpignan serait évidemment le centre ferroviaire, géographiquement parlant, la mode chez les « Alduyistes » de tous bords étaient de regarder uniquement en direction du sud, par pur souci de clientélisme électoral. Réveiller la fibre catalane en nourrissant la fierté identitaire. Résultat : un TGV Barcelone/ Perpignan en forme de cul-de-sac. Voie sans issue. Et ce n’est pas demain la veille qu’une LGV verra le jour entre Perpignan et Montpellier. La grande prêtresse de l’Occitanie, Carole Delga, a choisi : ce sera Bordeaux-Toulouse-Narbonne-Béziers-Montpellier… Vous pariez combien ? Nous en reparlerons, pour Perpignan-Montpellier dans un siècle et des poussières. Circulez, y’a rien à voir !
Enfin, le théâtre de l’Archipel. Le royaume perpignanais des bobos moralisateurs et des nanars les plus stratosphériques. Quand il fallait doter la « ville-archipel » d’un Zénith et/ ou d’un grand stade digne de ce nom pour accueillir les deux rugby(s), les élus de l’époque ont fait un choix hallucinant : celui de l’inconséquence. Pire : à l’arrivée, le théâtre de l’Archipel se révèle être pour les habitants de la métropole Perpignan-Méditerranée un gouffre financier, d’autant plus inquiétant que cette « scène nationale » est porteuse de peu d’événements et n’attire pas les foules.
Lors du dernier conseil de communauté de Perpignan-Méditerranée, le 29 mars, des voix se sont encore élevées dans l’hémicycle de l’Agglo pour dire : « ça suffit de payer ! ». Le président Jean-Marc Pujol, qui a succédé à ce poste à Jean-Paul Alduy, a pris la défense du « très cher monument » (si cher à JPA et surtout aux contribuables!), en vantant les mérites (invisibles pour l’opinion publique) qui feraient du théatre de l’Archipel le Castillet perpignanais des temps modernes… Si M. Pujol s’est montré offensif dans sa défense du site, pas sûr qu’il est convaincu. Y croit-il lui-même ? That is the question.
Jean-Michel MARTINEZ.