Cette année, avec le Journal Catalan, j’ai eu la chance d’intégrer une équipe participant au 24 heures motocyclisme de Barcelone. Une épreuve mythique, à bien des égards, qui mêle professionnels et amateurs mais tous passionnés de moto d’endurance. Qu’ils soient cuistot, mécanicien, pilote, team-manager, avitailleur carburant, pompier, panneauteur, pour n’en citer que quelques-uns, ils ont tous cette passion au plus profond d’eux et plus encore croyez moi.
L’Aspi Racing Team Endurance Compétition est l’émanation compétition d’une organisation d’événement moto sur circuit. Cela fait de nombreuses années qu’ils font de la compétition en endurance aux quatre coins de l’Europe. Pour cette année 2021, Barcelone était au programme des réjouissances et c’est avec une partie de l’équipe venant du Pays Catalan, que j’ai intégré leur rang.
D’abord, quelques chiffres de cette course au sein de l’équipe. C’est 35 personnes à nourrir et au service de 4 pilotes, Vincent Rutrowski, Vincent Laperrousaz, Lionnel Bergeron et Mathias Valero et de deux motos Yamaha R1 ( une qui fera la course et un mulet qui servira de donneuse de pièces au besoin ). C’est un budget d’environ 20 000 euros hors coût des motos. 710 litres d’essence de consommé lors de 24 relais. Environ 3296 km d’effectuer en course et une vitesse chrono max de 289,1 km/h. Je passerais sur les kilos de pâtes, de riz, de viande et de diverses boissons variées.
Ce Samedi matin, mon premier pas se fera en salle de presse. On a une sacré émotion quand on passe d’un circuit comme le nôtre au Roussillon à un circuit qui accueille le MotoGP, la Formule 1 entre autres. Elle est immense et j’imagine sans peine l’effervescence qu’il doit y avoir dans cet espace lors d’événements majeurs. Quelques collègues sont déjà là, préparant leurs matériels photos et informatiques. Cela restera un de mes moments forts du week-end. Je récupère mon badge et mes accès piste et je rejoins la team. Nous sommes à quelques heures du départ et le box fourmille de vie.
Chacun se met en place, on règle les derniers détails sur la moto, l’intendance et l’ambiance est décontracté. Alors que le public prend place dans les tribunes ouvertes pour l’occasion sous contrôles sanitaires, un de nos pilotes arrive en musique pour mettre de l’ambiance dans les paddocks. C’est parti pour une danse sur un air endiablé de Fatal bazooka qui ravira les autres équipes de part et d’autres de notre box et le public.
Nous sommes bien entouré avec 33 équipes dont une équipe allemande à gauche ( ils nous donneront un sacré coup de pouce en fin de course ) et deux équipes françaises à notre droite dont l’équipe d’une pilote féminine fort connue des réseaux sociaux, Aurélie Hoffmann. La cellule Chrono / panneau est en place. Chacun a un badge lui donnant accès à certaines parties du circuit. Le paddock, la pit-lane ou le circuit dans son intégralité. Les commissaires de courses jalonnent le circuit, les commissaires techniques, eux, surveillent les box. Les photojournalistes, les caméramans et les photographes de team passent de box en box. On est plus qu’à quelques minutes du départ. Les moteurs vrombissent et partent pour se mettre en place. La safety car entre à son tour en piste et les voilà partis pour un tour de mise en place.
A l’arrivée sur la ligne droite, chacun pilote pose sa moto à la place des qualifications de son équipe. Notre moto est en 15eme position. Les pilotes posent pour les photographes avec leur machines et on trouve encore quelques demoiselles avec les traditionnelles ombrelles pour les protéger du soleil écrasant de midi. Les pilotes se placent en face de leurs motos, tous les personnels techniques quittent la piste, les laissant seuls à leur concentration. Ils sont dans leur bulle. Le drapeau Catalan s’abaisse et les voilà qu’ils courent pour prendre le meilleur départ. C’est parti pour 24h de combat ou le plus régulier et qui n’aura pas de malchance finira l’épreuve et la gagnera peut-être.
Sébastien Desmarets est le Team Manager de l’équipe. Il est assis à son bureau et va diriger tout ce petit monde pendant 24h. Pas de sommeil pour ce chef d’orchestre. Les yeux rivés sur ses deux écrans, contrôlant les données de courses, donnant ses directives ou mettant la main dans le cambouis. C’est lui qui va nous faire vivre ces heures et minutes de suspense qui permettra à l’équipe d’arriver 10ème au classement général de la course et 2ème de sa catégorie. Sébastien est un passionné de moto depuis son plus jeune âge. Après une carrière dans la logistique, il décide de lier sa passion à son métier.Il passe son diplôme et il crée son entreprise de garage moto paddock66 en 2018. De-là, il prend le relais sur l’organisation des roulages sur piste au circuit du Roussillon chaque mois en tant que bénévole pour que les passionnés puissent s’amuser en sécurité C’est grâce à toute cette bonne volonté de sa part que l’équipe Artec l’a choisit pour devenir leur team manager pour les 24h de Barcelone et il a accepté ce défi avec grand plaisir.
Séance de qualification. Gros désordre dans le ravitaillement, ce n’est pas encore au point. On ne s’est toujours pas entraîné pour la béquille avant qui n’allait pas et nous avons dû faire des modifications. On part 15ème et les consommations ne sont toujours pas au point. C’est Vincent Rutrowski qui prendra le départ, avec des relais de 1 h pour tout le monde. Les relais se passent correctement Je commence à voir les consommations de chacun sauf pour Lionel qui roule quatre secondes plus vite que les autres. Du coup je lui enlève 2 Tours pour avoir une marge de sécurité. Une erreur se fait au calcul du niveau d’essence dans le réservoir et je ne sais toujours pas combien il consomme. Au même moment, il a quand même pris deux places sur le classement. Les relais s’enchaînent avec des petits aléas comme des réglages de pression de pneu à réajuster, des consommations d’essence à ajuster pour chaque pilote mais rien de grave. La course devient appréciable pour tout le monde. Il commence à y avoir plusieurs remontées constructives et nous sommes déjà à un quart de la course de fait.
17 h 26 : 2ème relais de Lionel, agacé de l’avoir fait rentrer 2/3 tours avant la fin de son relais pour avoir sa consommation d’essence. Il fait pareil que les autres pilotes, on part alors sur les mêmes conso. On passe 9ème. Il rentre au 30ème tour et là,c’est la panne d’essence dans le dernier virage qui l’oblige à pousser la moto jusqu’à la Pit lane. Les Mécanos l’encouragent et l’aident à rentrer au box. Maintenant, on a les consommations exactes de chacun. On va pourvoir être fiable. Mathias prend son relais, tout va bien jusqu’à ce qu’il ait une crampe et une douleur en dessous de son pied. Le cale-pied lui cause une forte douleur. Il prend sur lui et finit son relais exténué. Le relais se fait avec Vincent Laperrousaz. Les températures commencent à descendre et les pressions des pneus ne sont plus bonnes, surtout dans le relais de Vincent Rutrowski qui se plaint du pneu avant ayant dû changer sa position de pilotage. Il prend sur lui plus de la moitié de son relais. Il rentre fatigué et on profitera de ce relais pour changer les pressions pour la nuit.
20 h 35 : Le relais de Lionel arrive et on part sur 30 tours au box. Il fait un temps extraordinaire en 1 min 51s et remonte sur le 11ème.
23h31 : c’est le relais de Vincent Laperrousaz. On doit changer les pneus avant et arrière plus les plaquettes de frein. Tout se passe super bien. Les plaquettes sont totalement usées. Tout passe sans encombre. Les relais de nuit s’enchaînent plutôt bien mais les pilotes commencent à être vraiment fatigués. Notre kiné a eu un problème de santé et n’a pas pu rester malheureusement. La course continue et nous voilà au matin avec des pilotes sans kiné, une fatigue bien présente mais toujours concentrée à fond sur la course. De nouvelles attributions d’équipiers pour le poste à la béquille arrière se font au milieu de la course sans préparation. Les manœuvres se passent bien et on garde la configuration des relais comme cela.
5 h 34 : Le lever du jour se fait avec Mathias Valero lors de son relais. Il a toujours aussi mal mais il va faire preuve d’abnégation pour finir son relais jusqu’à la fin
6 h 36 Vincent rutrowski prend son relais, encore courbaturé de la nuit. Il enchaîne les tours réguliers avec une grosse douleur musculaire au bras.
7 h 37 Vincent Laperrousaz prend son relais avec un grand arret pour faire les pneus avant, arrière, changement de plaquette et ravitaillement. Tout se passe bien au moment du relais entre les pilotes. Il fait 1 tour et il rentre au box en urgence. Problème de freins. On rentre la moto, on fait une purge, on teste et ça repart. Grosse frayeur pour Vincent mais il prend sur lui et enchaîne les tours sans autre souci. On arrive sur les dernières heures de course C’est à ce moment que sur notre écran de contrôle le numéro 20 est convoqué au jury. Rien de grave au final avec juste une vitesse excessive relevée dans la pit lane qui ne donnera pas lieu à sanction.
8 h 43 : Lionel prend son relais, lui aussi fatigué mais reste régulier tout au long de celui-ci. On remarque une fumée au moment où s’arrête son relais.
9 h 40 : Mathias Valero prend son relais. On remarque une légère fuite. Il y a de l’huile dans le sabot moteur. On vérifie le niveau, il en reste donc on repart directement. La moto commence à chauffer. On anticipe et au moment du relais suivant, on rentre la moto au box pour vérifier cette fuite. rajouter de l’huile et perdre un peu de temps malheureusement.
10 h 40 : On s’exécute à trouver cette fuite, on démonte le sabot, on rajoute de l’huile, on cherche mais on ne trouve pas. On prend la décision de partir comme ça pour les une heure vingt de course restante. On est 10ème et on a peu d’écart avec le 11ème. Lionel part comme un avion de chasse et fait son relais en tournant en 1 minute 52s en moyenne.
11 h 43 : Relais de fin de course et c’est Mathias Valero qui le fera. Il prend son relais exténué de fatigue et de douleur. Et oui, il faut bien en finir à un moment. Il part avec 15 litres pour être sûr et avec un pneu quasiment usé à l’arrière mais qui pourra finir la course. Il enchaîne les derniers tours réguliers sans prendre le moindre risque et il passe la ligne d’arrivée à 12 h. La course s’arrête là. Enfin l’équipe laisse éclater sa joie et se félicite de cette 10ème place au scratch et d’une 2ème place sur le podium des Open-SBK. Quelle superbe expérience Je remercie les pilotes de m’avoir fait confiance. L’équipe méca, l’équipe au chrono, Mickaël au pit stop, l’équipe au pneu, l’équipe au ravitaillement, l’équipe à l’intendance. Merci aux photographes, merci à Caro à l’équipement de m’avoir donné un coup de main. On a fait un super duo. Je vous remercie tous d’être venu pour vivre cette excellente aventure pendant 24 heures.
Je pense qu’il faut vivre une telle expérience pour se rendre compte à quel point elle est difficile et pourtant si exaltante. J’ai participé à des courses de championnat de drift en Espagne et en France en tant que photographe indépendant ou pour le Journal Catalan, voire à divers autres événements sportifs mais toujours en marge des participants. Cette immersion est un point d’orgue de ma jeune carrière de photojournaliste. Voir ces femmes et ces hommes liés par un objectif unique, finir la course et avoir le meilleur classement possible, est particulièrement enrichissant. On se fait oublier pour pouvoir témoigner de leur engagement dans l’équipe, des moments de doutes, de joies jusqu’à la libération ultime du drapeau à damier qui se baisse et du podium final. Et à côté de cela, on vit cette aventure avec eux, en vibrant, en portant le maillot de la team et en étant totalement acteur de cette Famille. Les quelques moments que j’ai passé en salle de presse m’ont procuré cette énergie. Que j’avais ma place ici, parmi eux, en toute humilité, car on se doit de toujours progresser pour être meilleur que le jour d’avant quel que soit son rôle. C’est un sourire aux lèvres que je garderais longtemps en mémoire ces 24 heures de ma vie.
Le rendez vous est pris pour 2022. Le Team ARTEC sera présent à la prochaine édition des 24 heures Motocyclisme de Barcelone. J’espère retrouver aussi les nombreuses équipes que j’ai pu rencontrer lors de cette épreuves. Le Team BMD qui a joué de malchance, le team du MRC 56 avec Aurélie, le team du lycée technique de Montpellier et la rayonnante Sonia Barbot que l’on voit parfois au Roussillon, elle qui a une carrière très impliqué dans le monde de la moto en rallye routier et en Trail Off Road en Occitanie. Entre temps, il y aura de nombreuses occasions pour aller les soutenir et les admirer sur les circuits et les bords de route. Que ce soit avec de jeunes talents prometteurs comme Elie Rousselot, Leandro Quintans, Killian Poll, des pilotes confirmés comme ceux de la Team Artec ou bien de tout un chacun lors des journées de roulage sur nos circuits locaux.
Un grand V à tous.
Laurent Sas