La cave, la coop, l’Aglya, les vignerons des côtes d’Agly. Combien de fois ces noms sont venus dans les discussions, sur toutes les lèvres, à tous les coins de rues, sur la place du village, autour de la fontaine.
Depuis 1910, combien de générations ont trempé dans cette atmosphère pleine de rêves d’émancipation, passionnante, vibrante, culturellement formatrice au vivre ensemble, à la démocratie. Un homme égale une voix. Tel est l’emblème porté haut et fort par nos aînés depuis des décennies. Aujourd’hui, force est de constater que beaucoup d’entreprises, banques comprises, se réclament de ce système toujours jeune, sans compter les scoops de salariés. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les pages « pub » à la télé. Un siècle de présence dans notre économie ; c’est rien au regard du reste, de tout le reste. Nous comprenons mal d’ailleurs, pourquoi notre commune n’est pas adhérente à l’Agence France Locale, qui a fait ses preuves depuis 115 ans en Europe du Nord. Cette société, est la banque des collectivités territoriales. Même si dans ses statuts, il est dit que chaque action donne droit à une voix au sein des assemblées générales, il n’est pas pire que les autres qui régissent d’autres banques, d’autres organismes. Il nous semble que c’est un pas en avant qu’il est nécessaire de saisir, comprendre, assimiler, en tirer la quintessence pour être mieux au service des administrés, d’obtenir peut-être, des taux d’intérêts plus bas. Cela n’empêche pas de voir les manquements, d’essayer d’y apporter remède. Mais la démocratie n’est-elle pas une grande idée évolutive pour peu que les citoyens s’en emparent pour avancer dans le bon sens ?
Pauline Green, présidente de l’Alliance internationale des coopératives, dans une interview réalisée le 8 octobre 2014, a précisé que le nombre de sociétés coopératives à travers le monde s’élève à près de deux millions et qu’elles sont la colonne vertébrale de l’économie réelle. Elles pèsent en chiffre d’affaires deux mille milliards d’euros et emploient cent millions de personnes. De plus, l’humain est l’élément central, au cœur de la prise de décision.
Nous voilà bien loin de nos relais dans notre cave bien-aimée. Aujourd’hui, nous avons choisi de vous parler de l’histoire d’un fût de 600 litres environ. Son histoire commence en 1936 grâce au chef de cave de l’époque. Celui-ci, qui été très économe de l’argent des coopérateurs, avant le rinçage des cuves, récupérait le verre de vin doux naturel resté au fond. Ce précieux liquide, aurait pu partir à l’égout. Personne n’aurait pu lui en faire grief. Son attachement à l’esprit coopératif tout neuf, son amour du travail bien fait, sa responsabilité quasiment jusqu’au boutiste au service de la coopération, mais qui pourrait s’en plaindre, sa connaissance certaine des difficultés rencontrées par les viticulteurs ont fait le reste. Ce résidu de cuve était donc entreposé dans notre fût. Au fil des ans, celui-ci étant plein, il fut décidé d’utiliser ce nectar devenu rancio, pour la joie d’offrir. Dans un premier temps, pour les fêtes de fin d’année, le personnel et les administrateurs, ces derniers tous bénévoles, ont eu la joie de recevoir ce digne cadeau. Par la suite, ce plaisir fut élargi à la discrétion du directeur, du président. Bien sûr, après chaque prélèvement, est pratiquée « la solara ». Ce n’est rien d’autre que l’ajout du millésime le plus vieux de vin doux, qui va à son tour prendre le goût si particulier de notre fût qui, resté à la même place, existe toujours. Vous pouvez me croire, parce que je l’ai goûté, fait apprécier autour de moi, ce vin doux est vraiment une volupté, un plaisir des Dieux. Quoi de plus normal direz-vous. Il est empreint de cette volonté d’homme tout simple qui aimait son travail, de cette volonté opiniâtre pour que la coopération puisse resplendir de toute sa lumière et éclairer les décideurs pour l’avenir de toute une profession : celle de vigneron et aujourd’hui, bien au-delà.
De nombreux cavistes sont passés. Tous ont perpétré ce sacrement comme nous pourrions le faire d’une relique sainte, en l’occurrence celle de Bacchus. Tous ont apporté leur attention la plus fidèle à l’esprit du caviste de 1936. Lorsqu’il est question de cette histoire, les yeux des jeunes brillent, de cette fièvre qui fut celle de leurs prédécesseurs. Cette flamme n’est pas éteinte. La coopération est bien vivante.
Les choses ont bien changé depuis. Les rapports entre salariés et cavistes ne sont plus les mêmes. L’œnologie a fait bien des progrès. La vinification n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était. Les vendanges dans la cave, se tournent vers le bio avec tout ce que cela suppose de contraintes, de connaissances nouvelles, d’attention plus nourrie, de machines nouvelles. Qu’importe ! Le relais est passé, bien passé. Les jeunes sont là, bien là et, comme leurs anciens, ils aiment ce qu’ils font, ils aiment leur métier. Ils vont transmettre. La coopération a encore de beaux jours devant elle. Il faut y croire et ces jeunes y croient.