Estagel : « Le tunnel oublié ! »

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estagel-le-tunnel-oublieLe Château de Jau, cette belle silhouette attirante comme celle d’une demoiselle, que l’on voit avant d’arriver à Estagel, sur votre droite, donne une image apaisante, tranquille, sereine de la vallée de l’Agly même si la réalité est toute autre. Il donne aussi un reflet de prospérité, de travail bien fait, de l’amour de la vigne et du vin.

Cela se respire, se sent, l’art est aussi présent dans ce lieu depuis bien longtemps. L’arrivée des moines cisterciens au 12e siècle, constructeurs de la tour carrée qui domine de sa magnificence tout l’ensemble, en ont été les précurseurs. Le Château de Jau, un nom, un repère, une envie d’avancer, de construire, de produire de bons vins.
Tout cela, fait partie de ce qui se voit. Cependant, pour avoir cette vision, d’autres constructions ont été nécessaires, indispensables, incontournables. Au fil des âges, les divers propriétaires ont réalisé toutes ces avancées. La peine de l’homme, son savoir, ont été aussi mis à rude épreuve.

Nous voulons parler, entre autres, du tunnel oublié et qui a contribué fortement à donner toute sa valeur au Château d’aujourd’hui. C’est de lui que nous souhaitons vous entretenir dans notre rubrique.

C’est par une après-midi ensoleillée de décembre, sans trop de tramontane, que nos pas nous ont conduits vers le pont sur le Verdouble à la jonction avec l’Agly. René, Romain son petit-fils, et Gaby sont de la promenade.

Ce dernier a été chef d’équipe au mas. Avant lui, son père Maurice, a fait une partie de sa carrière agricole sur ce territoire. Une carrière bien remplie, ou l’amour du travail bien fait à toujours été une priorité, comme une maîtresse exigeante qui sans relâche, vous appelle à la tâche. Arrivés au pont, la crue de fin novembre a fait de tels ravages que nous ne pouvons continuer notre équipée. Encore aujourd’hui, quatre mois après, impossible de poursuivre notre route. Nous continuons notre randonnée sur le chemin de terre qui longe la rivière. C’est alors que Gaby nous rappelle l’existence du tunnel. Sous sa conduite, des mains aguerries pour ces travaux, bien des fois lui ont fait la toilette. Amoureusement, patiemment, dans les moindres détails, car l’eau, c’est la vie. Le nettoyage du tunnel certes, mais aussi celui des neufs kilomètres de canaux jusqu’à la cave du mas.
Nous poursuivons notre chemin bordé de vignes. La main experte du viticulteur est déjà passée pour accomplir le travail de la taille, harmonisant ainsi les rangs de ceps avec la nature rude, solide, accrochée avec toute cette force parfois surréaliste, sur les collines environnantes. Voilà le passage à gué, le tunnel est juste en face. Une bâtisse protégeant l’entrée existe toujours. Le tunnel est là, mais l’eau n’est plus au rendez-vous.
À notre connaissance, construit lorsque existait la production de vers à soie, il fut creusé par deux Italiens. L’histoire veut, que ces deux hommes, habitués certainement aux rudes labeurs, ne s’entendaient guère. Ils étaient même durement opposés. Aussi, décision fut prise, de les poster à chacune des entrées pour commencer le creusement. Ce qui explique l’existence au milieu de la longueur de soixante-dix mètres environ, d’un décrochement. Sympa non, de savoir cela ? C’est ainsi, qu’à la barre mine, à la pelle, à la pioche, à l’explosif, le tunnel fut creusé à hauteur d’homme du côté de la sortie, amenant l’eau jusqu’à une turbine placée au grand bassin alimentant les bâtiments en électricité. Sur son passage, l’eau, ce don de la nature, permettait à de nombreux jardins familiaux de fournir en légumes les riverains concernés.

L’entrée du tunnel, a été réalisée au lieu-dit : « le cimetière des Maures ». Le canal vient de plus loin en direction du mas de l’Alzine. Légende ou histoire réelle, Roland, aurait laissé son empreinte dans le roc de la rivière, non loin de ce lieu où se serait déroulée une bataille. D’où le nom de : « le pas de Roland ».

À la sortie du tunnel, nos souvenirs d’adolescents, nous remettent en mémoire cette eau abondante, limpide comme du cristal, débordant du canal pour se perdre dans le lit de la rivière. Là, sous les broussailles, les ronces venant nous rappeler que la nature savait se défendre, s’entassaient des centaines de poissons, d’anguilles, dans les eaux bouillonnantes, fraîches à ravir durant les chaudes journées d’été. Ce sont nos pères, qui nous ont appris ce braconnage vite fait bien fait, à l’aide de nasses. Aujourd’hui, la prescription est passée par là n’est-ce pas ? De toute manière, ce plaisir immense, immaculé, nous ne regrettons pas de l’avoir pris. Nous serions prêts à le recommencer, à le revivre, avec la même fureur de la jeunesse. Quoi dire de plus sur notre tunnel ? Qu’il mérite certainement mieux que cet abandon. Ne fait-il pas partie de notre patrimoine que nous devons préserver ? De cette richesse que nous ont léguée nos anciens et que nous devons transmettre à notre tour ?

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