Elle a bien manqué finir ses jours à la décharge publique. Mais le destin en a décidé autrement. Grâce à José, retraité de son état, apiculteur par vocation, grand bricoleur sur tous les engins possibles et imaginables, même parfois inimaginable, voilà notre horloge repartie à donner l’heure pour de nombreuses années encore.
C’était dans les années 1977-1983. De vilains garnements, voyant l’heure arrivée de passer de l’adolescence à l’âge adulte, avaient décidé d’arrêter le temps. Le symbole était tout désigné. L’horloge du village. Elle était à deux faces, fixée au clocher Républicain, au-dessus du buste de François Arago. Chose dite, chose faite. Le temps ne s’est pas arrêté. L’horloge oui. C’est cette histoire que nous allons essayer de vous conter.
L’horloge sauvée
Ayant subi de trop grands dommages, elle a dû être remplacée. À décharge, nous devons préciser que depuis quelque temps déjà, elle donnait des signes de faiblesse, comme s’il lui était devenu pénible d’égrener les heures au fil des jours et des nuits, sans arrêt, tout au long de l’année. C’est donc en partie sur les deniers des sacripants, qu’une horloge toute neuve devait être installée toujours au même endroit.
Restait celle qui avait accompagné la vie de la population pendant de nombreuses années. Qui avait sonné l’heure du départ au travail, de la fin de la journée ou encore celle de la belote avec les amis avant le repas du soir.
Par égard pour son passé, elle avait été remisée dans un coin de grenier attendant l’heure funeste où sa place devrait être débarrassée définitivement. Ce jour, fatalement, est arrivé. José son sauveur, était présent au moment opportun, comme si une puissance occulte devait réunir cet emblème du temps qui passe et cet amoureux de tout ce qui touche à la vie du village, à son histoire.
La remise en état de marche
José a réparé la mécanique. Avec un moteur de machine à laver le linge, il devait rétablir le principal fonctionnement. Ensuite, sa patience légendaire aidant, il a remis en état de marche tout le système. L’horloge, son horloge à présent, a été installée en bonne place dans sa cour et a recommencé à donner l’heure. José devait nous préciser qu’elle continue de le faire gratuitement. Tel un pull-over effiloché, dont les fils sont tirés avec habileté, elle va continuer son œuvre inlassable au service du temps, au service des hommes finalement. Chacun peut la voir en passant. Après le pont, avant le caveau de la cave.
Certains passionnés de ces mécanismes, sont venus demander à José de la leur céder. Sa réponse est toujours la même : « Ni pour tout l’or du monde. Elle fait partie du patrimoine de mon village. C’est invendable ». C’est que notre ami a un sacré caractère. Pourtant enjoué de nature, aimant la vie, les bons mots, on ne plaisante pas avec ce qui fait Estagel. Là, les choses deviennent sérieuses et les crispations pourraient suivre.
Un petit morceau de l’histoire du village
Nous sommes tentés de dire, que ces simples choses, sont aussi importantes que les plus belles réalisations. Que cette horloge, a retrouvé son âme, grâce à un ami fidèle, sensible à tout ce qui touche l’humain. Ainsi est José.
Aujourd’hui, avec Juliette, sa compagne de toute une existence, ils sont deux à veiller sur une partie de notre patrimoine, de notre histoire, sans oublier celle des chenapans. Nous sommes rassurés, tout cela est entre de bonnes-mains.
Maintenant, l’horloge continue de compter le temps qui passe. Celui de la retraite bien méritée pour laquelle José aimerait qu’un coup de pouce soit donné.