La décision du gouvernement français de supprimer le bonus vélo et la prime à la conversion pour vélos électriques au 15 février 2025 marque un tournant majeur dans la politique de soutien à la mobilité douce. Cette mesure, qui met fin à des aides financières instaurées depuis 2017, soulève de nombreuses questions sur l’avenir du marché du vélo en France et les conséquences économiques et environnementales qui en découleront.
Un coup de frein brutal pour le secteur du vélo
Le secteur du vélo, qui représentait un chiffre d’affaires de 3,4 milliards d’euros en 2024, risque de subir un choc important. Selon l’Union Sport & Cycle, la suppression des aides pourrait entraîner une baisse d’activité de 15 à 20% pour l’ensemble de la filière. Les fabricants français comme Moustache Bikes, Vélogik ou Cycleurope anticipent déjà une baisse de production de 30% pour 2025.
Les détaillants sont particulièrement inquiets, prévoyant une chute des ventes de vélos électriques de 40% au premier semestre 2025. Cette situation pourrait entraîner la disparition de 20% des détaillants indépendants à moyen terme, fragilisant ainsi le tissu économique local.
Impact sur le pouvoir d’achat et la transition écologique
Pour les consommateurs, la suppression des aides se traduira par une augmentation significative du coût d’acquisition d’un vélo électrique. On estime que le prix moyen passera de 1800€ à 2250€, soit une hausse de 25%. Selon l’INSEE, cette mesure pourrait avoir un impact négatif de 0,2% sur le pouvoir d’achat des ménages modestes.
Au-delà de l’aspect économique, cette décision risque de freiner la transition vers des modes de transport plus écologiques. L’ADEME prévoit une augmentation des émissions de CO2 liées au transport de 1,2 million de tonnes en 2025 due à cette mesure. Les objectifs du Plan Vélo, qui visaient une part modale de 12% en 2030 (contre 9% en 2024), semblent désormais compromis.
Réactions et stratégies d’adaptation
Face à cette situation, les acteurs du secteur tentent de s’adapter. Jérôme Valentin, président de l’Union Sport & Cycle, alerte sur les risques pour l’emploi : « Le secteur risque de perdre 5 000 emplois directs et indirects d’ici fin 2025. Nous appelons à des mesures compensatoires urgentes. »
Le gouvernement a annoncé un plan de soutien à l’industrie du vélo de 50 millions d’euros sur 3 ans pour compenser partiellement la suppression des aides. Cependant, ce montant est jugé insuffisant par les professionnels du secteur.
Du côté des entreprises, on observe le développement accéléré des offres de leasing et de vélos en libre-service pour compenser la baisse des ventes. Ces nouvelles formules pourraient permettre de maintenir l’accessibilité des vélos électriques malgré la hausse des prix.
Perspectives et enjeux pour l’avenir
À court terme, on s’attend à un pic des ventes de vélos électriques en janvier-février 2025 (+40% par rapport à 2024), suivi d’une chute brutale à partir de mars 2025 (-50% par rapport à 2024). Le cabinet Deloitte anticipe un ralentissement de la croissance du marché du vélo électrique en France, passant de +15% en 2024 à +3% en 2025.
Plusieurs facteurs de risque pourraient influencer l’évolution du marché dans les années à venir :
- L’évolution du prix des batteries lithium-ion
- De nouvelles réglementations européennes sur la mobilité urbaine
- La capacité d’adaptation de l’industrie française du vélo face à la concurrence asiatique
En effet, les importations de vélos électriques d’Asie pourraient augmenter de 25% en 2025, profitant de la baisse de compétitivité des producteurs européens.
Un débat qui s’inscrit dans un contexte économique plus large
La suppression du bonus vélo s’inscrit dans un contexte de restrictions budgétaires plus large. Le budget 2025 prévoit 60 milliards d’euros d’économies, ce qui explique en partie cette décision. Cependant, elle contraste avec d’autres investissements gouvernementaux, comme les 5 milliards d’euros investis dans l’IA.
Par ailleurs, cette mesure intervient dans un contexte économique en évolution. La baisse historique des taux de la BCE et la réduction des tarifs de l’électricité pourraient en partie compenser l’impact de la suppression du bonus vélo sur le pouvoir d’achat des ménages.
Conclusion : un tournant pour la mobilité douce en France
La suppression du bonus vélo et de la prime à la conversion pour vélos électriques marque un tournant important dans la politique de mobilité douce en France. Si cette décision permettra au gouvernement de réaliser des économies budgétaires estimées à 100 millions d’euros pour 2025, elle risque d’avoir des conséquences significatives sur le secteur du vélo et la transition écologique.
Dans un contexte de reprise économique mondiale fragile, l’équilibre entre contraintes budgétaires et soutien à la transition écologique reste un défi majeur. L’évolution du marché du vélo dans les prochains mois sera un indicateur important de la capacité d’adaptation de ce secteur face aux changements de politique publique.