Florent Anglade vient de cosigner un remarquable ouvrage historique sur le Train Jaune… sans aucun doute le plus passionnant et complet qui ait été écrit sur le « Canari » à ce jour ! Interview.
LE JOURNAL CATALAN : vous êtes l’un des auteurs du livre Le Train Jaune qui vient de paraître aux éditions Privat. C’est la première fois que vous êtes publié vous n’avez pas eu la peur de la page blanche ?
Florent ANGLADE : « Non pour un historien c’est plutôt l’angoisse de la page trop pleine !
Sans avoir été publié jusqu’à présent, j’ai pu être confronté à l’écriture tout au long de mon parcours d’Historien, notamment lors de la rédaction du mémoire de Master qui portait sur l’Histoire des transports en commun à Perpignan.
Sans rentrer dans les détails, la démarche historique est immuable : elle commence par un travail de bibliographie et de recherche des différentes sources. Puis, vient le temps de la lecture de l’analyse et de la confrontation des différents documents. Après il faut savoir synthétiser et surtout tailler dans le vif pour ne retenir que la substantifique moelle ».
LE JOURNAL CATALAN : c’est le thème de votre Master qui a convaincu les éditions Privat de vous faire confiance ?
« Disons que tout est lié. C’est mon ancien directeur de recherche, Nicolas Marty, qui a été sollicité en premier lieu pour écrire cette partie historique. Faute de temps à consacrer à cet ouvrage, il m’a recommandé aux éditions Privat en mettant en avant mon thème de recherche.
J’ai été contacté peu de temps après par les éditions Privat et on a tous fait un saut vers l’inconnu.
L’histoire se finit bien avec la parution de ce beau livre même si, quand je vois mon nom sur la couverture, j’ai un peu l’impression de rêver tout éveiller ».
LE JOURNAL CATALAN : parlons de l’ouvrage à présent, n’avez vous pas l’impression que tout a déjà été écrit sur le Train Jaune ?
« En effet, on trouve pléthore d’ouvrages sur ce sujet. Néanmoins, les éditions Privat ont revisité le sujet sous un nouvel angle d’approche. Les parties de l’ouvrage correspondent à trois temps : le passé, le présent, le futur. Ces temps coïncident avec le sous titre de l’ouvrage Un défi, un symbole, un espoir.
Le passé c’est l’histoire de la ligne, le défi technique, technologique et humain.
Le présent c’est le symbole que représente le Train Jaune comme le Castillet ou le Canigou pour les hommes et les femmes qui le font vivre au quotidien, pour celles et ceux dont l’activité l’économique dépend du Canari, mais également pour tous les catalans ou les touristes qui regardent avec un œil admiratif ce petit train partir à l’assaut de la Cerdagne.
Enfin le futur, c’est l’espoir : l’espoir de voir cette ligne perdurer mais aussi l’espoir qu’elle représente pour, j’en parlais il y a quelques instants, celles et ceux qui travaillent ou vivent grâce à cette ligne. Le train Jaune est un joyau de notre département. Et il évolue dans un véritable écrin. La préservation de l’un entraine celle de l’autre. Il en va de même pour leur valorisation ».
LE JOURNAL CATALAN : parlez-nous un peu de l’histoire de ce train pas comme les autres…
« C’est une histoire riche en rebondissements, comme seul notre département semble en connaître. Les premières études pour la desserte des hauts cantons par une voie ferrée datent de 1883. Il faudra attendre, presque 20 ans et la fin de l’année 1902 pour voir le projet aboutir sous sa forme actuelle.
Les travaux bien que titanesques se déroulent essentiellement entre 1904 et 1909. Le tronçon Villefranche – Mont Louis est inauguré le 18 juillet 1910, la section suivante jusqu’à Bourg-Madame le sera le 16 juin 1911. Les travaux – construction d’un barrage, d’une usine hydroélectrique, de ponts et viaducs, percement de tunnels … – auront duré, pour la première partie de la ligne qui concentrait les plus grandes difficultés un peu plus de 4 ans. Paradoxalement les 6 derniers kilomètres (ne présentant aucune difficulté majeure) entre Bourg-madame et Latour-de-Carol ne seront mis en service qu’en 1927 !
La singularité de cette ligne tient également du mode de traction retenu : l’électricité ! Aujourd’hui, cela nous semble banal mais au début du siècle dernier c’était l’aire de la vapeur et du charbon. Nous pouvons avancer deux raisons à ce choix :
La première raison est d’ordre technique, en effet les locomotives à vapeur étaient très lourdes et n’auraient pu gravir de telles pentes (6%) sans l’aide de crémaillère.
La seconde est stratégique : la compagnie des chemins de fer du midi, qui réalise et exploite la ligne du Train Jaune est la seule compagnie ferroviaire à ne pas avoir un accès aux bassins miniers du Nord de la France. La compagnie va alors miser sur l’électricité et plus particulièrement sur l’hydroélectricité.
C’est cette avancée technologique qui permettra à la ligne de fonctionner sans trop de perturbations durant les deux guerres mondiales et qui a sans doute sauvé la ligne à la fin des années 70 début 1980. En effet, à cette époque sur le réseau secondaire, de nombreux autorails fonctionnant au diesel ont remplacé, depuis les années 50-60, les locomotives à vapeur. A la concurrence croissante de la route s’ajoute la hausse des prix du pétrole (conséquence directe des crises pétrolières). La baisse du trafic et la hausse des couts d’exploitation auront raison de nombreuses lignes ».
LE JOURNAL CATALAN : on vous sent passionné. Pourquoi ne pas en avoir fait votre métier ?
« Oui, je suis un passionné d’histoire. Analyser et comprendre le passé pour expliquer le présent, c’est fondamental pour moi. Sans entrer dans l’enseignement, avec internet, il est facile de partager ses connaissances.
Par ailleurs, je viens de monter une petite société qui propose, entre autre, des conseils pour la valorisation du patrimoine. Le patrimoine ça coute de l’argent certes, mais ça peut en rapporter également. Les gens sont curieux, ont envie d’apprendre. Il faut rendre cela accessible et si possible ludique ».