La droite républicaine départementale lui doit beaucoup. Il s’apprête à changer de cap (professionnel), mais pas de destin(ation) ! Interview sans concession avec un fin connaisseur de la politique locale qui garde le Pays catalan en mémoire… et à cœur ! Comme dans la chanson de Frédéric François, il reviendra toujours en Roussillon pour « y cueillir le printemps ou pour marcher contre l’hiver »… Il n’a que 32 ans.
Nom : LIETTA
Prénom : François
Date et lieu de naissance : 17 décembre 1984 à Besançon (25)
Situation professionnelle : directeur de cabinet en collectivité locale
Situation familiale : célibataire
Passions : l’aéronautique, les voyages, les chats.
1/ ça y est, tu t’apprêtes à tourner la page des P-O ?
Pas totalement, mon père est médecin à Saint-Estève et je suis très attaché à mon département qui m’a vu grandir, même si « je dois » m’en éloigner. Je reviendrai souvent. Aujourd’hui ma vie professionnelle se dessine dans les Landes, c’est une terre de mission pour la droite, et je pense que cette expérience me sera bénéfique dans quelques années.
2/ Quelle est la raison qui te pousse à partir ?
Notre défaite (ndlr avec Fernand Siré dont il était le suppléant aux élections législatives et son attaché parlementaire) a entraîné la fin de mon contrat à l’Assemblée Nationale. Il m’a donc fallu trouver un autre emploi dans le secteur public ou privé. Les étudiants de mon master, que j’ai côtoyé à l’UPVD (Université Perpignan Via Domitia), ont pour beaucoup quitté le département en l’absence d’offres correspondant à leurs formations. Dans le secteur public, auprès des élus donc, il n’y avait pas de postes au sein de beaucoup de collectivités concernées. La Communauté urbaine ou la Ville de Perpignan recrutent régulièrement et continuent de le faire, mais mon profil ne devait pas les intéresser.
Alors comme beaucoup de mes prédécesseurs / homologues cadres du parti ou collaborateurs d’élus du département, je dois travailler ailleurs. Cela devient une habitude récurrente de pousser à l’exil dans ce département. C’est mon tour !
Je suis conscient qu’un individu évolue en changeant, j’ai une très belle opportunité professionnelle à Aire-sur-l’Adour que je n’aurai pas pu espérer dans le département. Cela me permettra d’évoluer tant dans ma vie personnelle que professionnelle.
« C’est mon tour d’être poussé à l’exil ! »
3/ Tu demeures président du comité départemental du parti LR ou tu es remplacé ?
Mon mandat de Président de fédération expire à la fin juin 2018. Il m’a été confié par les adhérents et j’ai donc l’intention de le poursuivre. Je resterai présent et actif pour la fédération par respect à l’égard des très nombreux adhérents qui m’ont fait l’honneur de me confier la tête du parti dans le département.
J’ai initié de profonds changements au sein de la fédération et je continuerai de le faire. Ce n’est pas toujours simple d’apporter de la nouveauté au sein d’un mouvement ancré sur ses habitudes. Notre façon de faire de la politique arrive à bout de souffle car les résultats attendus ne sont pas à la hauteur de nos concitoyens. La preuve ce sont nos défaites successives et le remplacement de la droite traditionnelle par le Front National avec un vote de rejet. Ce système n’est plus voué à perdurer, nous avons changé d’époque, fini les longues carrières en politique, exit les emplois familiaux des proches d’élus, nous allons donc de gré ou de force changer les têtes et les méthodes parfois (et je n’ai pas peur de le dire « archaïques »,« antisociales », « individualistes »). Je préfère accompagner ce changement plutôt que de le subir, mais il n’est pas simple de l’imposer.
4/ Quel regard portes-tu sur le monde politique des P-O en général, et sur les élus de ton parti LR en particulier ?
En étant à la tête de la fédération, j’ai pu découvrir certaines personnes sous un autre jour.
J’ai aussi eu une autre vision de l’engagement politique. Certains sont là par amour de leur territoire, d’autres par ambition politique, et d’autres en ont fait un métier à part entière. C’est un mélange assez diversifié des ambitions qui se retrouvent dans un parti politique. J’ai par contre un profond sentiment négatif à l’égard des élus ou militants qui changent constamment de parti. Le champion en la matière est l’actuel maire de Saint Laurent de la Salanque.
D’autres sont récemment partis pour briguer un mandat parlementaire, sans arrière-pensée, quitte à trahir leurs compagnons militants et fidèles alliés.Globalement, je pense que tous n’ont pas mesuré qu’il existe une réelle fracture entre la classe politique et les citoyens. Un lien s’est brisé et cela se manifeste par des votes de rejets aujourd’hui et une crise des vocations pour l’engagement politique. On ne peut plus faire de la politique comme dans les années 1980-1990. Par ailleurs, j’ai beaucoup d’admiration pour les maires de très petites communes qui doivent faire face aux conséquences encore plus néfastes du désengagement financier de l’Etat, et qui sont souvent maires et bénévoles techniques pour pallier l’absence d’agents municipaux en poste permanent au sein de leurs communes.
5/ Quel est l’élu ou l’élue des P-O qui t’a le plus marqué jusqu’à présent ?
Fernand SIRE incontestablement. L’homme, au premier contact, parait un doux rêveur avec un caractère atypique par rapport aux autres élus du département. Puis avec les années, j’ai découvert et côtoyé un homme profondément attachant, attentif aux autres sans arrière-pensée politique et surtout sachant rester humble. Député, médecin et cuisinier hors-pair, j’ai vraiment beaucoup appris et passé cinq formidables années à ses côtés. Au-delà de l’aspect professionnel c’est un homme qui restera toujours dans mon cœur, celui qui m’aura donné ma chance, accompagné tant sur le plan professionnel que personnel.
Dans un registre similaire, Paul Blanc est un personnage politique de notre département qui lui ressemble, cela doit faire partie intégrante de la formation de médecins mais Paul est surtout un conducteur hors pair pour se rendre à Sournia (rires).
6/ Quel moment t’a le plus marqué ?
Plusieurs m’ont marqué. A titre professionnel je dirais la victoire de 2012 auprès de Fernand Siré mais aussi la défaite de 2017 m’ont marqué différemment. A titre personnel, mon élection à la Présidence de la fédération en janvier 2016. J’en ai retenu le principal « rien n’est impossible », la clé, cesser d’écouter les aînés qui répètent à tort et à travers « ce n’est pas ton tour », « tu as le temps, tu es jeune … ». Si l’on y croit il faut foncer. J’y ai cru, je l’ai « senti » donc j’y suis allé et je ne le regrette pas.
7/ Un regret en « quittant » le sol roussillonnais ?
De devoir quitter la commune de Saint-Nazaire ou je travaillais à mi-temps auprès de Jean-Claude Torrens avec qui j’ai tissé des liens. Et forcément cela m’éloignera de mes amis et bien sûr de ma famille. Mais je pars travailler dans les Landes avec un maire avec qui le courant est tout de suite passé, ce qui rend mon départ confiant et serein.
« Le clientélisme fait toujours monter les enchères, au détriment du mérite et de l’emploi »
8/ Qu’est ce qui à ton avis empêche ce département de « décoller » au plan économique ?
Plusieurs facteurs sont à prendre en compte à mon sens. D’un côté les collectivités n’œuvrent pas toutes dans le même sens, par tactique politique mais aussi par crainte de voir de nouveaux leaders s’implanter politiquement et leur faire de l’ombre. De l’autre, un développement économique trop saisonnier, avec des saisons touristiques de plus en plus courtes et le choix d’un développement conséquent du commerce au détriment d’autres secteurs d’activités.
Du coup, notre département a développé tous les symptômes d’un territoire pauvre, où sont favorisées les conditions du clientélisme sur les emplois publics, par exemple. C’est un cercle vicieux où le clientélisme fait toujours monter les enchères, au détriment du mérite et de l’emploi et qui entraine le chômage et par conséquent la précarité.
9/ Une anecdote avant de « se quitter » ?
La venue de Georges Frêche à l’UPVD pour la pose de la première pierre de l’IAE (Institut d’Administration de l’Entreprise) en 2010. Je l’avais interpellé sur l’absence d’assiduité de Jacques Cresta (représentant de la région au conseil d’administration de l’Université). Il avait alors écouté mon argumentaire et l’avait appelé de vive voix par son nom. L’échange avait été vif et à sens unique. Dans la foulée il avait désigné un autre élu au hasard en lui imposant de le remplacer. Autant dire que l’élue concernée n’avait pas eu le choix ! Il est décédé quelques semaines après cet épisode et le changement n’avait pas été fait. Il était craint. C’était une autre époque et heureusement !
10/ La politique, c’est toute une vie ?
Les carrières linéaires sont terminées, on en fait désormais plusieurs. Mes études sont variées, une licence de pilote de ligne en poche, j’ai opté pour un master en économie. L’envie déjà de ne pas faire qu’une seule carrière dans ma vie.
Si par hasard, je continue à long terme mon engagement politique, je le ferai avec le renouveau de la vie politique car elle doit profondément se renouveler pour redonner confiance aux Français. Il faut changer l’image que les Français ont du personnel politique. Cela passe par du renouvellement de personnes d’une part, mais surtout de méthodes. C’est une profonde remise en question indispensable pour les partis politique qui sont incarnés par les cadres, les élus et les militants.
Propos recueillis par Jean-Michel Martinez.