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La Bretagne investit 10 millions d’euros dans l’aquaculture durable : 500 emplois visés d’ici 2028

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La Bretagne fait un pari audacieux sur l’avenir bleu. Le 1er février 2025, la région a lancé un fonds de 10 millions d’euros pour soutenir l’aquaculture durable et l’algaculture. Cette initiative ambitieuse vise à revitaliser un secteur crucial pour l’économie côtière bretonne, qui stagne depuis une décennie. Avec 800 entreprises et 15 000 emplois en jeu, l’enjeu est de taille. Mais au-delà des chiffres, c’est toute une vision de l’économie maritime du futur qui se dessine.

Un secteur à la croisée des chemins

L’aquaculture bretonne, qui représente 35% de la production nationale, fait face à des défis majeurs. La production plafonne à 135 000 tonnes depuis 2015, tandis que la concurrence internationale s’intensifie. Le changement climatique frappe de plein fouet, avec des épisodes de mortalité massive et la prolifération d’algues toxiques. Face à ces menaces, le fonds régional apparaît comme une bouée de sauvetage pour un secteur en quête de renouveau.

Une ambition chiffrée pour 2030

Les objectifs du fonds sont clairs et ambitieux :

  • Augmenter la production aquacole régionale de 25% d’ici 2030
  • Créer 200 emplois directs et 300 emplois indirects d’ici 2028
  • Atteindre 200 millions d’euros d’exportations en 2027 (contre 150 millions en 2024)

Pour y parvenir, la région mise sur l’innovation et la durabilité. Les projets financés devront conjuguer performance économique et respect de l’environnement.

Un éventail de filières soutenues

Le fonds cible cinq secteurs clés de l’aquaculture bretonne :

1. L’ostréiculture : un pilier à renforcer

Avec 35% des projets financés, l’ostréiculture est la priorité. L’objectif est de passer de 85 000 tonnes en 2024 à 100 000 tonnes en 2027. Des techniques innovantes de captage et d’élevage seront expérimentées pour accroître la résilience face aux aléas climatiques.

2. La mytiliculture : cap sur la croissance

25% du fonds sera alloué à la culture des moules. La production, stable à 40 000 tonnes, doit atteindre 50 000 tonnes d’ici 2027. L’accent sera mis sur l’amélioration des techniques d’élevage en eau profonde.

3. La pisciculture marine : un potentiel à exploiter

Avec 20% des financements, la pisciculture marine vise une croissance de 60% en trois ans, passant de 5 000 à 8 000 tonnes. Des projets d’aquaculture multi-trophique intégrée seront privilégiés pour limiter l’impact environnemental.

4. L’algoculture : le pari de l’or vert

15% du fonds soutiendra cette filière émergente. L’objectif est ambitieux : quintupler la production pour atteindre 500 tonnes en 2027. Les applications dans l’alimentation, la cosmétique et les biomatériaux offrent des perspectives prometteuses.

5. Les cultures émergentes : diversifier l’offre

5% du budget sera consacré à des projets innovants, comme l’élevage de crevettes ou d’holothuries. Ces niches à forte valeur ajoutée pourraient créer de nouvelles opportunités pour les aquaculteurs bretons.

Un écosystème en pleine mutation

Le fonds régional s’inscrit dans une dynamique plus large. Les entreprises du secteur prévoient d’investir 30 millions d’euros sur trois ans, soit une hausse de 20% par rapport à la période 2022-2024. Les grands groupes, comme Aqualande, augmentent leurs budgets R&D de 25%. Cette effervescence attire les start-ups : cinq nouvelles entreprises spécialisées dans les biotechnologies marines ont vu le jour depuis janvier 2025.

L’impact se fait déjà sentir sur les marchés financiers. L’indice Euronext AQUA a bondi de 8% depuis l’annonce du fonds, tandis que la capitalisation boursière du secteur aquacole français a grimpé de 15% en un an, atteignant 2,5 milliards d’euros.

Des défis à relever

Malgré l’enthousiasme, des obstacles demeurent. Thierry Burlot, président du Comité National de la Conchyliculture, souligne : « Ce fonds est une excellente nouvelle, mais il faut aller plus loin en simplifiant les procédures administratives pour l’accès au foncier maritime. C’est le principal frein au développement de nouvelles exploitations. »

Les écologistes, comme l’association Eau et Rivières de Bretagne, mettent en garde contre une « industrialisation » du littoral et appellent à privilégier les petites exploitations extensives. Concilier croissance et durabilité sera le défi majeur des années à venir.

Une stratégie qui s’inscrit dans un contexte global

L’initiative bretonne n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de soutien régional aux technologies vertes, comme en témoigne le récent fonds de 50 millions d’euros lancé par l’Occitanie pour les cleantech. À l’échelle nationale, le gouvernement prépare un Plan national aquaculture durable 2025-2030, doté de 100 millions d’euros, visant à doubler la production d’ici 2035.

L’Union Européenne n’est pas en reste, avec une révision de la Politique Commune de la Pêche prévue en 2026. L’objectif est ambitieux : 30% de l’approvisionnement en produits aquatiques issus de l’aquaculture d’ici 2030. La Banque Européenne d’Investissement appuie cette stratégie avec une ligne de crédit de 50 millions d’euros dédiée à l’aquaculture durable.

Perspectives : entre opportunités et incertitudes

Si les projections à court terme sont encourageantes, avec le lancement de 20 à 30 projets pilotes dans les six prochains mois, l’avenir à moyen et long terme reste incertain. La réussite de cette stratégie dépendra de plusieurs facteurs :

  • L’évolution des normes environnementales européennes
  • L’impact réel du changement climatique sur les écosystèmes marins
  • La concurrence des produits d’élevage terrestres, comme les insectes ou la viande de synthèse
  • La capacité d’innovation et d’adaptation des entreprises bretonnes

Dans un contexte de reprise économique mondiale fragile, le pari breton sur l’aquaculture durable pourrait servir de modèle pour d’autres régions côtières. Il illustre la nécessité de diversifier les économies locales face aux défis du 21e siècle.

L’avenir de l’aquaculture bretonne se jouera dans sa capacité à innover tout en préservant l’environnement côtier. Si elle réussit, elle pourrait bien devenir un exemple de transition écologique réussie pour l’ensemble du secteur maritime européen.