Toujours présenté par ses fondateurs (La Frontera Productions) comme un festival indépendant – recevant seulement des dizaines de milliers d’euros d’aides publiques : Région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée, Département des Pyrénées-Orientales, Commune d’Argelès-sur-Mer – et qui, au passage, n’ont jamais manqué d’insister, lors de conférences de presse locales, sur cette « nuance » qui ferait toute la différence avec leur principal concurrent sous le soleil du Roussillon, le festival ElectroBeach du Barcarès, on apprend depuis la banquise (car bizarrement c’est un silence radio dans les P-O !) que le festival Les Déferlantes d’Argelès-sur-Mer a basculé chez Vivendi International, spécialisé dans la communication et le divertissement, groupe déjà actionnaire de plusieurs festivals en France tels Les Vieilles Charrues de Carhaix (en Bretagne), Musilac d’Aix-les-Bains (en Savoie)…
Nous, à la rédaction du Journal Catalan, nous restons convaincus que la différence se joue au niveau de la programmation, les deux festivals n’ayant rien en commun depuis le départ dans le choix des artistes qui s’y produisent sur scène. D’ailleurs, même à l’arrivée, y’a pas photo : péniblement 40 000 entrées payantes enregistrées l’an passé pour Les Déferlantes d’Argelès-sur-Mer sur trois-quatre jours ; contre 170 000 pour l’ElectroBeach du Barcarès sur une exacte même durée et période (autour de la mi-juillet). Sans parler de l’influence médiatique : les échos et comptes rendus des Déferlantes d’Argelès-sur-Mer dépassent rarement les Pyrénées, au sud, et la Loire, au nord, alors que l’ElectroBeach du Barcarès tourne en boucle sur des radios et des chaînes de télévision jusqu’en Nouvelle-Zélande, en passant par une bonne partie de l’Europe, du Proche-Orient, etc., et cela des mois durant après la tenue du festival dans les Jardins du Lydia.
Puisque les organisateurs historiques des Déferlantes, fondées en 2007, taclent régulièrement l’ElectroBeach, dès qu’un micro ou un stylo se présentent devant eux, il était bon ici et maintenant de remettre les pendules à l’heure avec la réalité des chiffres (et des faits !). Nous pourrions encore rajouter dans cette comparaison absurde (au plan musical) et ridicule (sur les événements tels qu’ils se déroulent), que si Les Déferlantes d’Argelès-sur-Mer s’inspire de plus en plus pour la scène de Valmy de courants musicaux électroniques parmi les invités programmés, ce n’est certainement pas le cas pour l’ElectroBeach du Barcarès qui maintient le cap depuis sa création, en 2009, par Joëlle FERRAND-IGLESIAS, en respectant tout ce qui a fait son succès, tant dans l’organisation que la programmation et les animations originales. L’ElectroBeach du Barcarès surfe ainsi sur les modes avec une réussite exemplaire, unique en tout cas dans la Grande Région Occitanie/ Pyrénées-Méditerranée. Il est devenu en moins de dix ans le 3ème festival national de par le nombre de festivaliers ! Une percée reconnue par tous les chroniqueurs et spécialistes du genre. Mieux encore : c’est aujourd’hui l’ElectroBeach du Barcarès qui assure en grande partie la promotion du Roussillon à l’extérieur, davantage connu que le Canigou, la sardane, Cali… et les boles de picoulat ! Mais au Barcarès, on a l’habitude de vanter les mérites et les atouts du P-O : pendant plusieurs décennies le paquebot des sables, le Lydia, a été qualifié de « Tour Eiffel du littoral roussillonnais ».
Le constat de tout cela : l’un comme l’autre de ces deux festivals qui ont lieu dans les P-O l’été ont trouvé leur public… et leurs sources de financement.
Bobos bling bling, babas cool, des cadres et des employés, métissé, une majorité de femmes, beaucoup de locaux, une moyenne d’âge de 45 ans, avec un zest d’anciens qui ne se sont pas vus vieillir, la sortie entre amis ou en famille par excellence, une curiosité et une motivation artistiques sur l’essentiel pour Les Déferlantes d’Argelès-sur-Mer. Et puis il y a ce lieu magique, Valmy, haut-perché sur les terres de la commune d’Argelès-sur-Mer, entre vignes et mer Méditerranée, une configuration festivalière unique offrant un panorama grandiose, une qualité artistique exceptionnelle servie par des musiciens et des interprètes qui n’ont plus rien à prouver en venant ici, tant leur réputation, leur renommée, leurs ventes de disques et la succession de concerts aux quatre coins de la planète souvent, les ont fait entrer dans la légende des musiques du monde. Depuis les débuts, cela a été la marque des Déferlantes d’Argelès-sur-Mer.
A l’inverse, s’agissant de l’ElectroBeach du Barcarès, qui a bénéficié incontestablement de l’explosion des musiques électroniques (house, dance et électro pop) et du statut international des DJ, c’est un public très jeune, 20 ans en moyenne, plus large socialement, qui vient d’ailleurs – Toulouse, Montpellier, Barcelone – souvent également de très loin : Paris, l’Allemagne, le BéNeLux. Les femmes sont peu nombreuses sur scène et minoritaires parmi les festivaliers. La manifestation a parfaitement réussi son passage de festival gratuit en festival payant. Tous les spécialistes mondiaux s’accordent à reconnaître et à labelliser ce rendez-vous comme l’une des organisations estivales les plus remarquables « avec un management exemplaire », une grande, très grande messe musicale qui est devenue un mastodonte à la portée de tous et qui fait écho à toute la Méditerranée.
Les artistes qui se produisent lors des Déferlantes d’Argelès-sur-Mer écument souvent plusieurs festivals dans le cadre d’une tournée estivale « made in France ». Ainsi, on peut les retrouver facilement à Carcassonne, en Avignon, ou plus au nord durant l’été. Ce n’est pas le cas de l’ElectroBeach du Barcarès, où nombre de disc-jockeys qui défilent aux platines passent en exclusivité.
Depuis l’été 2017, Vivendi et ses filiales – Universal Music Group, Canal+, D17, D8, i-télé, Digitick et Dailymotion – accompagne divers festivals tout au long de l’été. Il est notamment partenaire du Brive Festival, des Eurockéennes, de Garorock, du Marciac Jazz Festival… et donc des Déferlantes. Ce qui permet à Vivendi de placer les artistes et les talents au cœur de sa stratégie commerciale.
Partie prenante dans une offre uniformisée, globalisée, aux stratégies capitalistiques à souhaits, les fondateurs des Déferlantes d’Argelès-sur-Mer – Qu’il serait d’ailleurs plus juste de nommer aujourd’hui et depuis 2016 « Les Déferlantes Sud de France » – seraient malvenus de poursuivre en coulisses leur critique amère de la gestion privée du festival ElectroBeach du Barcarès.
Dans ce cadre-là, à moins que les fondateurs des Déferlantes d’Argelès-sur-Mer aient en tête un autre développement artistique qui nous aurait échappé, on voit mal désormais comment les collectivités territoriales – Région, Département, Commune- devraient continuer à injecter des subventions publiques pour équilibrer une manifestation privée ? La question est posée. Tout comme celle de savoir dans quelles conditions le « rachat » des Déferlantes d’Argelès-su-Mer a-t-il eu lieu ? Paroles de contribuable. Cela s’appelle la transparence, tout simplement. Cela n’enlève rien au professionnalisme des dirigeants de La Frontera Productions salué par tous les professionnels de la profession et, surtout, par le public fidèle aux rendez-vous.