De l’avis des saisonniers employés sur la côte ou dans des sites prestigieux, le touriste britannique est le plus large pour les pourboires.
Août 2013, en terrasse d’un célèbre café à Collioure. Une famille de touristes anglais se lève et quitte les lieux, après avoir salué d’un large sourire le patron du bistro. Ce dernier débarrasse la table et enlève la coupelle avec son ticket et la monnaie.
Les Britanniques ont laissé 12€ de pourboires pour une note d’une quinzaine d’euros. Le cafetier vérifie l’addition : non, il n’y a pas d’erreur, le compte y est, les 12€ sont bien des pourboires. Et les clients sont en plus partis en-chan-tés !
En période de crise, à une époque où toute l’Europe, ou presque – car justement sauf les Britanniques, les Suédois et les Norvégiens qui ont conservé leur monnaie nationale – compte en euros, les touristes ont-ils toujours la main ouverte, mènent-ils une vie large ?
Il semblerait que oui. En tout cas, parmi la clientèle étrangère qui séjourne en France en haute saison estivale, les Anglais seraient de loin les plus généreux, suivis des Américains et des Russes. Australiens et Israéliens, toujours d’après une enquête menée dans des établissements (bars, restaurants et campings) qui ont pignon sur rue, sur le littoral roussillonnais – à Canet-plage, Saint-Cyprien, Argelès, Collioure et Banyuls – seraient également les moins chiches lorsqu’il s’agit de glisser la pièce à un serveur, une barmaid ou encore un veilleur de nuit.
Un veilleur de nuit employé dans un camping d’Argelès-plage, Eric, raconte comment, une nuit, trois familles de Luxembourgeois lui ont laissé chacune 60€… « simplement parce que nous nous étions entendus pour que je leur ouvre le portail à 2h du matin. En fait, ces touristes souhaitaient prendre la route en pleine nuit pour remonter chez eux en évitant les grosses chaleurs et, surtout, les embouteillages. C’était le samedi 24 août dernier, Bison Fûté avait annoncé du rouge et du noir pour les retours, et dans le camping pour des raisons dé sécurité et de tranquillité, il est interdit de rouler de nuit dans les allées qui séparent les mobil-homes et les tentes. J’ai pris sur moi de faire une exception, d’autant que leurs emplacements n’étaient pas si éloignés de la sortie du terrain… Vous savez les gens, à partir du moment où vous êtes clean et gentils avec eux, ils savent vous rendre la monnaie de la pièce ».
Et c’est bien le cas ici ! Cette année encore, pour un travail de deux mois à plein temps, Eric et l’autre homme à tout faire du camping se partageront près de 800 euros de pourboires, en plus de leurs salaires bien sûr, pour avoir rendu de nombreux petits services à la clientèle.
Retour à Collioure, dans ce café où nous avions décidé de planter le décor de notre enquête. Les serveurs, qui se partagent les pourboires en équipe, reconnaissent récolter individuellement à la fin de chaque journée quelque 10€, en août. Sur ces 10€, 5 à 6€ proviennent de la clientèle anglaise… Un des barmen employé dans l’établissement depuis plusieurs années précise que « c’est au mois de septembre que les pourboires sont les plus élevés. La clientèle de septembre est différente, moins nombreuse mais beaucoup plus aisée, elle consomme plus et mieux, du champagne par exemple ou des cocktails dont le prix du verre atteint ou dépasse les 8 à 10€… Et en plus comme nous sommes moins nombreux en tant que salariés, les saisonniers ne sont plus là, les pourboires s’élèvent à 40, 50 voire 60€ par jour. Il n’est pas rare en septembre de se faire 1 500€ de pourboires dans le mois… ».
Mais qu’est-ce qui ferait qui pourrait expliquer cette générosité exceptionnelle des Britanniques à l’égard des salariés français de l’industrie touristique ?
Renseignements pris auprès d’Anglais et d’Ecossais (qui sont légion dans notre département) possédant une résidence secondaire sur la Côte Vermeille, plus précisément à Banyuls-sur-Mer : « le pourboire est obligatoire chez nous en Grande-Bretagne ! Il est une des composantes du salaire, dont il représente entre 15 et 20% ».
Ceci expliquerait donc cela. C’est tellement vrai que, précise un serveur employé place de la Méditerranée à Canet-plage, « lorsque les Anglais apprennent que les serveurs français ne sont pas rémunérés avec les pourboires mais qu’ils ont un vrai salaire, alors ils ne donnent plus rien ! Ils deviennent aussi radins que les Allemands ou les Hollandais qui eux, traditionnellement, ne laissent rien comme pourboire… ».
Le pourboire est en effet obligatoire au Royaume-Uni, parfois même, au cas où le client l’oublierait !, il est rajouté d’office sur la note. Il est aussi obligatoire en Autriche, au Canada, aux Etats-Unis et au Mexique, alors qu’il est simplement conseillé dans la majeure partie des destinations comptant parmi les plus touristiques : France, Espagne, Italie, Grèce, Hongrie, Portugal, Turquie, Maroc, Ile Maurice, Sénégal, Egypte, Tunisie, Chine, Inde…
Il existe toutefois un pays où verser un pourboire est fortement déconseillé, car cela serait immédiatement interprété comme un affront, une insulte : c’est le Japon.