Le projet de réunir les stations de Font-Romeu/ Pyrénées 2000 et Les Angles/ Formiguères en un seul domaine leader des Pyrénées, fait débats… et polémiques.
Pour Christian Blanc, ancien maire des Angles, ex conseiller général du canton de Mont-Louis ce projet d’un grand domaine skiable avec la création de liaisons inter-stations entre Font-Romeu, Bolquère, Les Angles et Formiguères est tout simplement : « inacceptable ! ».
Dans sa bouche, les mots ne sont pas assez durs pour dénoncer « une atteinte irréversible à l’environnement, une hérésie financière, économique et stratégique, un risque majeur de fracture sociale (…). Courir derrière le modèle industriel alpin ou andorran en s’engageant dans une telle fuite en avant va à contre-sens de l’histoire tant sur le plan environnemental, climatique qu’économique (…) ».
Et il n’est pas le seul à s’indigner face à un tel projet, qu’il n’hésite pas qualifier de « supermarché du ski dont les conséquences, s’il se réalisait, seraient de dénaturer nos paysages, de rompre les équilibres écologiques et en outre d’engager les communes dans une hérésie financière (…) ». Sur ce plan là, on peut lui faire confiance, Christian Blanc sait de quoi il parle. Il en revient.
Pour Francis Daspe, du Parti de Gauche’66, autre opposant virulent au projet : « D’un point de vue économique, ce projet est dépassé (…). D’un point de vue environnemental, ce projet d’usine-à-ski va à contre-sens (…). D’un point de vue social, ce projet est dangereux et offre une vision rétrécie (…). Le projet d’excellence du grand domaine skiable prétend inventer un nouveau modèle économique. En réalité, il s’agit d’un retour dans le passé où l’on ne savait pas concilier les dimensions économiques, sociales et environnementales qui sont aujourd’hui inséparables (…) ».
Qu’en est-il plus précisément de ce projet ?
Ses concepteurs misent sur la « nécessaire consolidation des grands sites des Pyrénées Catalanes pour rester dans la course » dans un secteur touristique où la concurrence est de plus en plus agressive.
L’agence parisienne Contours, à la demande des élus et décideurs concernés, a produit une étude de 57 pages dans laquelle elle passe au crible atouts et faiblesses des Neiges Catalanes, à partir des trois grands sites touristiques majeurs que sont : la station des Angles (avec 18 000 lits touristiques et 375 000 journées/ skieurs) ; la station de Font-Romeu/ Pyrénées 2000 (40 000 lits touristiques et 469 000 journées/ skieurs) ; le lac des Bouillouses (160 000 visiteurs et environ 110 lits). La station de Formiguères fait partie des sites touristiques des hauts-cantons de moindre importance (3 000 lits et 93 000 journées/ skieurs).
L’étude fait ressortir que « aujourd’hui tous ces sites sont exploités par des structures juridiques indépendantes, qui réalisent des chiffres d’affaires insuffisants pour couvrir leurs charges d’exploitation et leurs investissements. Les outils qu’exploitent ces structures sont par ailleurs trop petits pour leur permettre de rentrer dans le top 20 des stations françaises de sports d’hiver (…) ». Dans le classement « Montagne Leader », Font-Romeu occupe la 31ème place, Les Angles la 44ème, Formiguères la 86ème…
A ce stade, il faut rappeler que depuis plusieurs décennies il y a des discussions entre élus de ces stations et le Département pour envisager une liaison entre les deux grands domaines skiables (Font-Romeu & Les Angles), que ont été techniquement envisagés différents projets de liaison avec les stations périphériques (La Llagone & Formiguères) ; mais que tous ces projets n’ont jamais abouti pour différentes raisons « tenant entre autres à une pression concurrentielle encore trop faible… et à des approches insuffisamment business ( …) », sans négliger la part politique en Pays Catalan.
Les auteurs de l’étude ont eu pour motivation « de produire le meilleur projet possible du point de vue client ». Cela signifie qu’ils ont cherché à : ouvrir le plus de ski possible « dans la pente » ; réduire au maximum les temps de trajet en remontées mécaniques ; sécuriser le manteau neigeux des pistes de liaison en privilégiant l’altitude et les orientations Nord ; améliorer au maximum le positionnement concurrentiel résultant des investissements réalisés.
Ils précisent en guise d’avertissement « Qu’au niveau d’analyse qui est le nôtre, c’est volontairement que nous n’avons pas traité les contraintes suivantes : contraintes écologiques (pas de prise en compte de la réglementation du PNR et des zones Natura 2000, Znieff, Zico…) ; contraintes juridiques (pas d’anticipation sur les différentes procédures à engager) ; contraintes financières (approche exclusivement par le compte d’exploitation sans analyse particulière de la forme du portage des investissements – Qui finance quoi ? – et des règles de répartition de recettes entre les différents acteurs publics et privés)… ».
Il n’en fallait pas plus pour que les opposants s’engouffrent dans la brèche en quantité et en qualité pour fustiger le projet de façon véhémente, certes, mais parfois également avec des arguments poussifs et des convictions douteuses.
En conclusion de cette étude, solidement détaillée et illustrée, il apparait que le volume d’affaires induit par ce domaine skiable de grande envergure « est sept fois supérieur, soit plus de 250 M€ ». 30% de ce volume d’affaires irait à l’hébergement des skieurs, 15% servirait à la restauration, 10% aux ski-shops…
Le projet précise que « sur le total d’investissement à réaliser – hors Bouillouses – (70 M€) le volume de subvention attendu est de 14 M€ ; soit 20% (correspondant aux déficits cumulés annoncés infra, majorés pour prendre en compte un risque climatique 3 saisons sur 10). Sur 10 ans, cette subvention représente environ 4% du chiffre d’affaires direct des remontées mécaniques, et 0,6% du volume d’affaires induit par la filière (…). Un programme de cette ampleur impose de travailler dans la longue durée (trois à cinq ans avant que les premières installations ne soient proposées au public), de mobiliser de nombreux acteur (trois stations dans quatre communes + PNR + Département…), et de faire face à de nombreuses et inévitables oppositions (au nom de la « protection de l’environnement » et de la « sagesse budgétaire »)… ».
C’est fait ! Il suffit de lire ou d’entendre Christian Blanc, à nouveau : « Ces sites de très haute qualité environnementale ont été reconnus à travers divers classements (Natura 2000, Znieff, site classé, forêt patrimoine…). Ils constituent pour les générations futures un patrimoine inestimable. Aucun projet économique ne peut justifier leur destruction, même si sa rentabilité en était démontrée, ce qui en l’occurrence n’est absolument pas le cas (…) ».
Le calendrier prévisionnel du projet est quand même lancé : la première étape a été la création d’une structure juridique pour porter les études ; la deuxième étape, en cours, s’appuie sur une étude marketing et clientèle, politique tarifaire, captation de la clientèle, mise en place d’un business plan, pré-analyse des impacts environnementaux, pré-étude technique (inventaire et définition des tracés) ; le point d’arrêt est prévu pour courant été 2016 (confirmation de l’intérêt du projet).
En suivant : été 2016-automne 2018 (étape 3), étude et montage des différents dossiers administratifs en vue de déposer les dossiers d’autorisation, confirmation du montant des investissements, élaboration de dossiers de subventions (…) ; printemps 2019 (étape 4), début des travaux… pour une ouverture du Grand Domaine Skiable pendant l’hiver 2020 (juste avant les prochaines élections municipales).