C’est la troisième semaine d’août que Rivesaltes devient capitale du Flamenco pour quelques jours et que les meilleurs ambassadeurs de l’Arte se donnent rendez vous sur les planches du théâtre des Dômes et dans les salles aménagées à cet effet dans l’enceinte du lycée agricole promu au rang de Palais du Festival. Cette année pour la neuvième édition des têtes couronnées par divers prix dans les concours et Festivals espagnols : Depuis Alba Heredia tornade gitane de Grenade, à La Lupi grande danseuse et chorégraphe en passant par El Choro artiste bien de son temps et le couple Andrés Peña et Pilar Ogalla orfèvres du bon goût, tous accompagnés par des chanteurs guitaristes et percussionnistes dont le seul nom suffit à allumer des étoiles dans les yeux des aficionados.
Les spectacles ont été formidables mais ce qui se passe autour pendant cette semaine ne l’est pas moins. Un nombre grandissant de stages accueille les passionnés débutants ou professionnels dans toutes les disciplines : danse, guitare, chant, palmas, cajón et même depuis deux ans un cours de langue du Flamenco, une exclusivité de Rivesaltes bien utile pour mieux comprendre et s’immerger dans cette culture. La journée le Lycée est donc une ruche bruissante et le moindre recoin est utilisé pour réviser un pas, essayer une « falseta » à la guitare et partager un chant avec de nouveaux amis. On discute des spectacles à la cantine, on s’hydrate au bar, on traîne devant les boutiques de mode flamenca juste avant de craquer pour la jupe de travail, la paire de boucle ou la robe de feria de nos rêves. Le soir après les spectacles au théâtre des Dômes le parvis du Palais se transforme en bodega, où les amitiés trans hexagonales se développent pendant que sur la scène les meilleurs artistes nationaux se produisent pour le plaisir d’un public composé de connaisseurs et de curieux venus découvrir.
La programmation était particulièrement réussie cette année avec dès le jeudi Vanessa Paez et sa compagnie. Entre Toulouse et Marseille le courant flamenco passe bien et le spectacle est enlevé, profond et dans les canons esthétiques du flamenco authentique.
Le vendredi, l’enfant du pays, Mélodie Gimard, apportait sa touche novatrice avec son spectacle Numen. Accompagnée de musiciens traditionnels et électroniques, la bien nommée promène son piano virtuose en Flamenquie avec enthousiasme et fraîcheur. Un bol d’air vivifiant.
Le samedi, Guillermo et María Flores sévillans jusqu’au bout des ongles invitaient le jeune espoir de la danse en France Lucas El Chaborro pour leur proposition « De Buena Maera ». Ces artistes solides et généreux ont serti de leurs voix complémentaires ce talentueux señorito que les espagnols vont nous voler dès qu’ils l’auront découvert.
Toutes ces belles ondes servaient de tremplin à des fins de soirées dans l’intimité de la Peña du Festival. Là, se retrouvaient les plus mordus et ceux qui avaient envie de frotter leur nouvelles connaissances à celles des autres en se lançant dans le « redondel » pour danser ou chanter. On a pu ainsi voir le grand chanteur David el Galli prendre une guitare pour accompagner spontanément un vénérable vieillard venu en voisin, à la voix claire et forte et au savoir encyclopédique ainsi qu’un jeune garçon du Vernet étonnant de maturité et de connaissances. Le professionnel écoutant respectueusement les amateurs dans un échange chaleureux et rare. On ne pouvait rêver meilleure clôture que cette soirée magique pour ce Festival menée avec talent et opiniâtreté par Amor Flamenco.
Lorenzo Ruiz son directeur artistique, Cécile Miquel la présidente et leur armée de bénévoles ont su créer une ambiance familiale appréciée aussi bien par les artistes que par les stagiaires de plus en plus nombreux tous les ans. Beaucoup de chaleur humaine, pas mal de travail, l’enthousiasme indispensable, c’est la recette pour réussir ce tour de force aussi efficace que le smoothie à la banane servi au bar du Festival qui vous requinque un apprenti danseur épuisé en moins de deux ! Pourvu que ce phare éclaire encore longtemps le chemin des amoureux du Flamenco d’ici et d’ailleurs… c’est tout le mal qu’on leur souhaite.