Un tout nouveau livre dans la collection « Savoir(s) et connaissance » des Editions les Presses Littéraires ! Ci-joint le dossier de presse correspondant ainsi que la première de couverture.
Cet ouvrage éclaire d’un jour nouveau la logique interne au folklore traditionnel catalan, ses liens avec la mythologie la plus antique comme avec les légendes contemporaines. Une première partie présente et étudie les témoignages écrits les plus anciens sur la légende du lac maudit du Canigou (du XIIIe au XVIIe siècle), en les expliquant par rapport à leur contexte historique et culturel. Pour la première fois, ces textes sont offerts ensemble, en traduction intégrale, avec leur version originale, latine ou catalane. La seconde partie de ce livre présente divers problèmes posés par l’étude de ces légendes, et propose diverses interprétations générales, non sans résoudre certaines énigmes (la définition des simiots, la localisation du temple de Vénus au sommet des Albères, etc.). L’originalité de cet ouvrage est en effet de croiser des disciplines variées, le folklorisme, l’Histoire, la toponymie, l’archéologie, la mythologie comparée, la psychologie, etc., car une telle association permet non seulement de mieux comprendre le folklore mais permet aussi à toutes ces disciplines de s’éclairer mutuellement. Ce qui rend plus objectifs et convaincants les rapprochements et les conclusions souvent inattendus de ce livre.
Olivier Rimbault est agrégé et doctorant en lettres classiques, spécialiste de littérature néolatine. Il est membre du V.E.C.T. (Université de Perpignan) et l’auteur de plusieurs livres et articles concernant des auteurs latins de l’Antiquité, du Moyen Age et de la Renaissance essentiellement en rapport avec l’histoire de la Catalogne. Il prépare actuellement les premières éditions modernes, traduites et commentées, des œuvres néolatines de deux dramaturges perpignanais totalement oubliés, Hercule Florus Alexicachos (Breue ad nouos tirones documentum, 1500 ; Galathea, 1501 ; Zaphira, 1502) et Francesc Satorres (Delphinus, 1543).
L’interview
Qui êtes-vous, Mr Rimbault ?
– Actuellement, un chercheur universitaire indépendant (je suis rattaché en tant que tel au VECT, le laboratoire de l’Université de Perpignan pour ce qui concerne les langues et la littérature, mais l’UPVD ne m’emploie pas). Je me considère en même temps comme ce que les Grecs appelaient un aède, un serviteur de ces divinités qu’ils appelaient les Muses – qui se rencontrent d’ailleurs au sommet d’une montagne, comme les fées catalanes. Jacques Lacarrière croyait au fatum librorum, au destin des livres, et Henri Gougaud affirme de son côté que les contes choisissent leurs conteurs : je crois d’une certaine manière en tout cela. J’ai toujours eu l’impression que ce livre, Démons et merveilles du Canigou, s’était fait un peu tout seul à travers moi, à l’aide des expériences, de l’imaginaire et du savoir que j’avais accumulé dans ma courte vie. Un demi-siècle (que je fêterai en décembre de cette année), ce n’est pas grand chose, comparé à l’âge des légendes catalanes ! Mon livre sur les légendes, heureusement, m’a demandé seulement un an et demi de travail (intermittent).
Comment l’idée de ce livre est-elle née ?
– Avant l’idée, il y a le désir, ou l’amour si vous préférez. Vous n’avez pas l’idée de vous marier avec quelqu’un avant d’en être amoureux (du moins de nos jours). Sur le sujet des légendes catalanes, j’ai rêvé d’avoir entre les mains le livre que j’offre aujourd’hui aux lecteurs. Il est dédié d’une part « à la fée qui m’accompagne » (vous savez, la femme de l’auteur, on ne la remercie jamais, à tort !), d’autre part à Jean Abélanet, dont le livre Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées catalanes, paru en 1999 chez Trabucaïre, m’a ouvert la voie au sens propre et figuré. J’étais déjà depuis ma jeunesse un amoureux des contes de fées et des légendes, et un passionné d’histoire et d’archéologie, et il y a tout cela dans le livre de Jean Abélanet : ses compétences de préhistorien lui ont permis de montrer comment la légende naît du lien entre un lieu précis et l’imaginaire collectif. Je me suis muni de son livre comme d’un guide, de cartes IGN, et j’ai arpenté le Canigou et sa région à la recherche des lieux légendaires.
Et vous avez trouvé quoi ?
– De début à la fin, l’émerveillement. Je suis un gavatx, vous savez : quand je suis arrivé par le hasard du destin dans le Roussillon (il y a une douzaine d’années), je suis naturellement tombé amoureux de cette terre chargée d’histoire et de légendes, cette plaine ensoleillée abritée par la ligne des Albères, ouverte sur la mer, et, dominant tout cela, il y a cette montagne majestueuse qui semble rejoindre le ciel. Je me suis de suite senti comme débiteur vis-à-vis de cette terre et des générations qui se sont associées avec la nature, non sans lutte, pour rendre ce pays si beau.
Est-ce votre premier livre ?
– C’est le quatrième (et je suis aussi l’auteur d’une dizaine d’articles dont certains sont assez longs pour constituer de petits livres, comme l’article que j’ai écrit sur le mythe de la fondation de Barcelone par Hercule, une légende historique née au Moyen Age, et à laquelle les historiens les plus sérieux de Catalogne ont continué à croire jusqu’au XVIIe siècle, parce qu’ils pensaient qu’un Hercule historique avait réellement existé !). Quand je suis arrivé dans les Pyrénées-Orientales, j’étais professeur de lettres classiques, et j’eus le souci de rendre mon enseignement plus intéressant et plus vivant pour les élèves.
C’est ainsi que j’ai fondé un cercle de conversation latine à l’Université de Perpignan avec la complicité de Mireille Courrént (un des professeurs de la faculté), qui continue d’ailleurs cette pratique pédagogique ; parallèlement, je me suis intéressé aux textes les plus anciens nous parlant du pays même où nous vivons.
C’est ce travail qui a donné la matière de mon premier livre, la première traduction en français du récit de l’expédition d’un roi wisigoth dans ce que les Francs, ses principaux ennemis, appelaient la Septimanie, et qui correspondait grosso modo à notre Languedoc-Roussillon : L’Histoire du roi Wamba de Julien de Tolède (Clermont-Ferrand, Editions Paléo, 2011).
Pourquoi avoir écrit un livre de plus sur les légendes catalanes ?
Qu’apporte-t-il de nouveau ?
– Un chercheur, a priori, cherche pour trouver quelque chose ! Sinon, il serait un peu comme un sourcier ne trouvant jamais de source, ou un chasseur revenant toujours bredouille ! Je n’ai pas décidé un beau matin de faire un livre sur les légendes catalanes. Le livre de Jean Abélanet me paraissait avoir dit l’essentiel sur le sujet. Mais un beau jour, en 2012, alors que je travaillais sur le mythe d’Hercule, je suis tombé sur une page de Jeroni Pujades (un historien du XVIe-XVIIe siècle) qui donnait en catalan la traduction d’un texte latin du XIIIe siècle sur le lac maudit du Canigou. Ce texte m’a naturellement interpellé, et si j’ai cru en faire au début le sujet d’un nouvel article, parce que ce sujet et son antiquité dans la littérature écrite me fascinaient, j’ai rapidement compris que c’est un livre qui allait en résulter. J’ai tiré un fil sans me douter de la taille de la pelote ! C’était une découverte pour moi seul, car cette légende et ses diverses versions écrites au fil des siècles avaient déjà été signalées voire traduites dans des articles ou des ouvrages modernes. C’est ce qu’a fait par exemple Didier Payré i Roig, dans un très beau petit recueil, passé trop inaperçu de ce côté-ci de la frontière parce qu’il l’a publié en catalan, Canigó : La muntanya mítica catalana (Barcelona, Farell, 2005). Mais tous mes prédécesseurs, ou bien ne sont connus que du milieu universitaire, ou bien, tels Jean Abélanet et Didier Payré, ont présenté la tradition écrite et la tradition orale selon les grands thèmes folkloriques habituels : les sorcières (bruixes), les fées (encantades), les saints, les animaux fantastiques, etc. La première grande nouveauté de mon livre est d’être un livre d’historien et de philologue : le Canigou, par sa situation géographique, est entré très tôt dans la littérature écrite, ce qui permet d’abord de faire le lien entre les légendes médiévales et les mythes de l’antiquité, tout en expliquant que la légende ne cesse de se transformer, et que chaque version écrite a un sens un peu différent selon son époque et son auteur, ce que personne n’avait fait auparavant. C’est pourquoi j’ai non seulement réuni toutes ces versions en leur donnant une traduction nouvelle, mais j’ai aussi réuni en fin de volume les textes originaux, en latin et en catalan, pour qu’on puisse juger sur pièce. Cette approche historique fait que j’explique une notion très importante au Moyen Age, la notion de merveille, qu’on distinguait du miracle et de la magie. Ce n’est pas un hasard si ce mot est au centre du titre… Et ce ne sont pas là les seules nouveautés de l’ouvrage. En fait, j’ai eu au cours de ce travail, un jour précis, une sorte d’illumination !
On vous croit sur parole ! Vous pouvez nous raconter ?
Un chercheur cherche à comprendre la logique de ce qu’il observe. Or, plus j’étudiais ces vieux textes et les récits oraux qu’on faisait encore récemment sur les mêmes thèmes, plus je me disais que leur logique profonde m’échappait. Car je voyais bien qu’il demeurait des zones d’ombre (le mystère des simiots d’Arles-sur-Tech par exemple), et qu’en même temps, il y avait de troublantes similitudes entre des personnages comme les sorcières et les fées. Et d’un coup, penché sur mon bureau avec ce questionnement, j’ai compris ! J’ai compris que la logique ne réside pas tant au niveau des thèmes que de ce que les folkloristes appellent les motifs : le motif du pouvoir surnaturel (la fée peut protéger aussi bien que punir), le motif plus précis de la capacité de se transformer en animal (la fée en serpent, la sorcière en chat ou en renard), le motif de l’intrusion dans la maison, surtout la nuit, sont autant de points communs entre la bruixa et la fada, outre le fait évident qu’elles sont des femmes. Vous comprenez alors deux choses : d’abord qu’entre les personnages positifs et négatifs du folklore populaire, il y a des personnages ambigus (le prêtre en était un dans les campagnes : on pouvait l’accuser de provoquer un orage de grêle pour mettre des glaçons dans son vin, ou de faire pleurer le bébé la nuit parce qu’on n’allait pas assez souvent à la messe).
Ensuite, les motifs expliquent la facilité avec laquelle l’imagination folklorique transforme les récits et les thèmes depuis la nuit des temps, en fonction du contexte et des peurs qui l’accompagnent, ce qui se vérifie jusqu’à nos jours : mon livre explique les liens logiques qu’on connaissait déjà entre les nymphes de l’Antiquité et les fées, et ceux dont on n’a jamais parlé entre les histoires de fées ou de sorcières et la mythologie moderne des ovnis et des extraterrestres, qui a fleuri chez nous comme ailleurs dans la seconde moitié du XXe siècle. Vous aboutissez à ce paradoxe merveilleux, si je puis dire, que les légendes d’aujourd’hui (que les sociologues appellent légendes urbaines) aident à comprendre celles d’hier, et la mentalité de ceux qui les racontaient. Car je ne me suis pas contenté de raconter une nouvelle fois toutes ces bonnes histoires, et de commenter des textes, j’ai voulu aussi aborder à la fin du livre trois questions plus générales : celle de la croyance, celle du pouvoir mystérieux des symboles, et celle de la persistance de l’imaginaire, dont l’être humain, à la vérité, a autant besoin pour vivre que de l’intelligence rationnelle.
Ajoutez à cela quelques nouveautés plus précises, comme la démonstration que la déesse vénérée au sommet des Albères était appelée à la fois Aphrodite et Pyrène, et la démonstration de l’endroit précis où se trouvait son fameux « temple », et vous mesurerez à quel point ce livre apporte du nouveau sur le sujet des légendes de notre région.
Pourquoi avoir choisi Les Presses littéraires pour le publier ?
J’ai été libraire à Céret pendant deux ans, je connais donc bien les éditeurs locaux. Mais ce fut encore un peu le hasard du destin, ou l’influence occulte des fées de Saint-Estève, qui me fit choisir Les Presses littéraires. Mon voisin, Alexis Alatirseff, venait d’y publier un roman policier (Perpinyà rouge sang, juillet 2014) et je suis donc allé voir sur ses conseils Jérôme Fricker. Celui-ci non seulement m’a de suite fait confiance, mais il a aussi contribué à l’amélioration du livre : l’idée de l’illustrer est de lui, et c’était une excellente idée. Je pouvais le faire facilement, puisque j’ai toujours pris des photos durant mes randonnées dans la région. Les photos du livre sont donc toutes de moi, sauf celle de l’ours Martin d’Arles-sur-Tech, qui est de François Gorrée. Ces illustrations et leurs légendes ne sont pas de simples ornements, elles apportent une matière et des prolongements aux explications du livre. En même temps, elles en font un beau livre, à l’image de la couverture : sur la cinquantaine de photos, la moitié sont en couleur. J’ajoute que le prix fixé par l’éditeur, 24 euros, fait de ce livre illustré de 350 pages, pour l’auteur et l’ancien libraire que je suis, un résultat dont je suis le premier à m’étonner. C’est au lecteur maintenant d’en juger.
Ce livre sera-t-il le dernier que vous publierez ?
– J’ai deux autres ouvrages en préparation, très importants pour l’histoire de Perpignan et du Roussillon. Le premier est l’objet d’une thèse de doctorat que je prépare depuis quatre ans et que je soutiendrai à l’Université de Dijon en mars 2015 : l’édition et la traduction commentées de l’œuvre néolatine d’Hercule Florus Alexicacos, le premier auteur imprimé à Perpignan, en 1500. Un auteur totalement oublié ici, d’autant plus que les seuls exemplaires ayant subsisté de sa grammaire latine et de ses deux pièces de théâtre (qu’il a fait jouer à Perpignan) se trouvent à Séville. Cette spécialisation explique pourquoi un universitaire de Valencia m’a un jour envoyé, pour me proposer de faire le même travail, une autre œuvre théâtrale en latin tout aussi oubliée, écrite un peu plus tard par un prêtre, Francesc Satorras ou Satorres, et jouée à Perpignan pour les festivités données en 1543 après l’échec du siège de la Fidelíssima par l’armée du Dauphin de France. Les protagonistes de ce siège sont les principaux personnages de cette pièce, dont j’espère finir l’édition et la traduction commentée d’ici mars 2015.