Une pluie de médailles… pour le Festival Semaine Flamenco de Rivesaltes

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Avec son instinct infaillible, Lorenzo Ruiz, le directeur artistique du festival, avait concocté pour la neuvième édition une programmation de luxe, avec Alba Heredia (gagnante en 2015 d’ « El Desplante » le plus prestigieux prix de danse en Flamenco), Andrés Peña et Pilar Ogalla pour leur spectacle « Sepia y Oro (Prix du public au Festival de Jerez), Antonio Molina El Choro (récompensé aussi à Jerez par le prix « révélation » donné par la critique) et la diva atypique du Flamenco : La Lupi (chorégraphe invitée cette année au Ballet National Espagnol). Tous ces danseurs prestigieux étaient entourés de musiciens non moins célèbres et c’est un privilège rare de voir réunis sur notre morceau de terre catalane le nec plus ultra de la guitare avec Rafael Cabeza, Jesús Guerrero, Curro de María, Oscar Lagos, Juan Campallo et Manuel Fernandez. Et que dire des chanteurs … non, la liste est trop longue de ces pointures qui donnent le frisson et attirent sur le bord de l’Agly le ban et l’arrière ban des aficionados de la métropole et de l’outre-mer !

« En Estado Puro » Alba Heredia
Le lundi donc les Dômes s’enflammaient sous les pieds de la jeune danseuse. Elle vient de Grenade mais aurait tout aussi bien pu venir de Mars pour la combativité, de Vénus pour la sensualité, ou du fin fond de la galaxie pour la rapidité de ses taconeos et l’énergie dévastatrice qui émane de sa danse. Douce jeune fille à la ville, d’une beauté à couper le souffle, elle se transforme en furie rugissante, en madone douloureuse ou en inquiétante pythonisse au regard vipérin et aux doigts d’araignée, captivant son public par son pouvoir d’interprétation protéiforme. Toujours dans le cadre du plus authentique flamenco, cette « aube » de carrière (alba en espagnol) augure une trajectoire ascendante qui va la mener sans aucun doute jusqu’au firmament.

« Solera 85 » Antonio Molina El Choro
Après une soirée « sota la platana » le mardi où David El Galli a fait don de sa voix rocailleuse et de sa sensibilité intègre à un public comblé par le chant mais aussi par la guitare de Curro de Maria, les soirées se sont succédées à nouveau aux Dômes.
Jeudi, Antonio Molina, barbe drue et chignon haut, n’est pas la moitié d’un danseur. A peine trentenaire, ses idées sont très claires en ce qui concerne son art : le flamenco est un héritage précieux que les nouvelles générations doivent préserver et enrichir. Solide comme un roc, le regard tranquille et profond de ceux qui sont mus par une foi, il irradie la scène de son charisme, ses frappes de pieds cinglantes d’une richesse rythmique rare, sa chorégraphie minimaliste mais généreuse. Jesús Corbacho et Jonatan Reyes au chant font partie eux aussi de cette génération de jeunes flamencos authentiques et décomplexés. Ils font ce qu’ils aiment et on aime ce qu’ils font.

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« De Sepia y Oro » Andrés Peña et Pilar Ogalla
Vendredi, la compagnie Peña-Ogalla prenait possession des planches et offrait à Rivesaltes le cadeau de la deuxième représentation de Sepia y Oro, après Jerez donc. On connaissait le travail de ce couple de danseurs reconnus et respectés dans leur milieu. On savait qu’ils faisaient de la belle ouvrage, mais ce fut une surprise pour beaucoup de recevoir cette succession de tableaux plus esthétiques les uns que les autres, enchaînés avec goût et surtout beaucoup d’amour pour le Flamenco. La lumière et la scénographie sont raffinées et inventives. Simples, elles créent des bulles de pure émotion, des moments suspendus où l’on se retrouve projeté dans l’intimité des premiers artistes. Les danseurs en duo parfaitement à l’unisson au comble de l’élégance, véritables performers dans les solos sont soutenus par l’infatigable et merveilleux Rafael Cabeza. Les autres musiciens sont aussi mis à l’honneur chacun à son tour et on retiendra surtout Melchora Ortega la chanteuse dans de désopilantes rumbas nomades qui laissent entrevoir un tempérament malicieux. Lorsque le rideau se ferme l’émotion est à son comble et quand un flamenco pleure c’est que c’est bon mais quand dix flamencos pleurent… Olé !

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Samedi : « Mudanza »Suzana Lupiánes La Lupi
Mudanza : changement, déménagement, mue, mais aussi « Mu Danza » très danse ! La Lupi a donc fait peau neuve, et pour déménager, c’est sûr que ça déménage ! Très attachée à toutes les influences artistiques qui ont fait d’elle cette somptueuse danseuse, bailaora et bailarina, La Lupi met en scène son parcours depuis le classique espagnol, la danse dite « bolera » jusqu’au flamenco qu’elle respire tous les jours. La marmite où elle a fait sa propre soupe n’en finit pas de déborder de rythmes ravageurs, de fantaisie et de souffrance, de sensualité et d’énergie. D’une créativité permanente, Lupi exhibe sa longue robe à traîne avec ostentation, fait tourbillonner son châle de Manille dans des figures jamais vues, se déhanche avec passion et dessine avec ses bras des volutes délicates. Elle est où on ne l’attend pas, clown, sirène et mater dolorosa à la fois, c’est la seule, c’est l’unique, c’est la Lupi. Le moindre déplacement, le moindre geste raconte une histoire, le spectacle est complet et tous les musiciens y participent, touillant la marmite ou jouant les vagabonds. C’est jubilatoire, profond, étonnant, poignant et cela a bien mérité la standing ovation au rythme de Bulería. Cette fois les larmes étaient aussi sur la scène parce que la Lupi, c’est une diva au grand cœur.

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Une édition surprenante.
Cette cuvée 2016 laissera des traces dans les mémoires et confirme le Festival Semaine Flamenco de Rivesaltes comme une valeur sûre. Les andalous ne s’y sont pas trompés en organisant une présentation du festival dans le saint du saint, à Séville, au Ministère de la Culture de la Junta de Andalucía. A la veille de son dixième anniversaire cet événement mérite la reconnaissance pour son travail acharné à diffuser le meilleur de la culture flamenca, à offrir au public de la région un niveau de qualité exceptionnel et tout cela par la seule volonté d’une équipe d’amoureux de l’Arte. La dixième se prépare déjà, un long processus s’enclenche, rendez vous en 2017 pour le lever de rideau. Heureusement la saison d’hiver d’Amor Flamenco et ses tablaos magiques calmera les plus impatients, à Rivesaltes, toujours.

Dolores Trivino​