Le RCP 66 (Rassemblement Citoyen et Politique des Pyrénées-Orientales) organisait une réunion publique mardi 22 novembre 2016 à Céret au cinéma Le Cérétan. Jérôme Pous présentait le thème de la soirée, la question agraire dans les Pyrénées-Orientales, et le conférencier, Philippe Assens, membre du RCP 66, et agro-économiste à l’association AddicTerra.
L’animateur du RCP 66, Alain Mih, en profitait pour sa part pour rappeler l’originalité du RCP 66 : « ni un collectif, ni un syndicat, ni une association, ni un parti, mais il est un peu de tout cela à la fois », ayant pour devise « Résister, Converger, Inventer ».
Pour Philippe Assens, le constat relève du paradoxe. « Alors qu’elle possède un nombre significatif d’atouts (sols profonds et fertiles, irrigation, climat favorable faisant du soleil et du vent des potentialités, savoir-faire humain fondé sur l’histoire, développement de l’agriculture biologique), l’agriculture des Pyrénées-Orientales connaît une forte crise sociale et économique ». A tel point qu’elle apparaît ainsi aujourd’hui comme une agriculture défavorisée, à l’image du territoire périphérique dans lequel elle s’insère. « C’est ainsi que le revenu des agriculteurs du département a baissé de 40% au cours des 15 dernières années ou que l’on assiste à un très net vieillissement des chefs d’exploitation ».
A partir de ce constat, Philippe Assens s’interroge pour expliquer les raisons de ce gâchis économique, social et sociétal. « Je distingue 4 grandes étapes au 20ème siècle pour l’agriculture des Pyrénées-Orientales. Elles ont résulté de choix politiques bien identifiés ». La première fut celle de la spécialisation, avec des productions devenues emblématiques comme le vin et certains fruits. « La spécialisation est à mettre en relation avec le développement du chemin de fer qui a contribué à ouvrir les terroirs ».
La seconde étape s’est caractérisée par l’industrialisation de la production agricole avec l’utilisation d’engrais et de machines. « La hausse de la productivité a favorisé une première vague d’exode rural ». La suivante est celle de la libéralisation des marchés avec la construction du grand marché européen et les traités de libre-échange internationaux dans le cadre du GATT devenu OMC (organisation mondiale du commerce). La dernière étape (et actuelle) doit faire face au défi du changement climatique qui impose de repenser les modes de production et de consommation.
Des pistes pour relever ces défis sont explorées par l’orateur. La question de la propriété constitue un préalable. « D’un côté on a un foncier sous-exploité avec des friches, d’un autre côté des jeunes paysans qui ne trouvent pas de terres pour s’installer ». En cause, les pratiques de spéculation foncière dans une perspective de préservation de la rente. « Dans cette optique, la puissance publique doit jouer son rôle au nom de l’intérêt général ». Le développement de la coopération entre agriculteurs est également préconisé. « Les partenariats publics collectifs doivent être instaurés, à l’opposé des partenariats publics privés qui fleurissent dans d’autres secteurs ». Le changement climatique met nécessairement à l’ordre du jour la question du protectionnisme. Il devra être solidaire dans une volonté de coopération Nord / Sud et écologique. « L’objectif d’une sur-taxation des transports polluants sera de contribuer à relocaliser la production et la consommation en réinventant des circuits courts ».
Philippe Assens propose de parler de « question alimentaire » pour mieux réguler et planifier l’activité agricole. « La reconquête de la souveraineté alimentaire doit être la finalité des politiques publiques. Cela passe par la détermination d’un nouveau contrat entre la société et l’agriculteur. Dans cette perspective, nous devons considérer que la PAC (politique agricole commune) n’est pas réformable ». Changer les mentalités qui sont formatées par le règne d’une agriculture productiviste relève aussi d’un combat et d’un projet politiques. « Les combats contre les grands projets inutiles ou GPII qui prolifèrent dans les Pyrénées-Orientales s’inscrivent dans une même logique », estime en complément Catherine David.