Hugues di Francesco est le chanteur du groupe les « Al Chemist », duo formé avec Alain Casenova, duo que l’on ne présente plus en Catalogne-Nord et qui emporte sans coup férir l’adhésion unanime de la jeunesse…
Hugues nous a livré- il y a moins de deux ans – son premier disque en solo, un album intitulé « De la terre et du cœur »…
Entre les 13 titres de ce CD, il en est un qui attire tout particulièrement l’attention du profane, un titre fédérateur et identitaire à la fois, spécifique et œcuménique, tant il flirte avec le détail et l’universalité de la mémoire, mémoire à la fois aussi confuse qu’elle s’avère à-même de s’affirmer vivace et réminiscente, dans ses chatoiements proustiens…
« La place du Puig del Mas » se veut une chanson aussi intime, pudique et discrète qu’elle s’avère flamboyante, luminescente et universelle, une chanson dont un certain bal perdu eût pu avoir l’heur de se souvenir bienheureusement, une chanson qui nous ressemble, à même de s’inscrire à l’encre indélébile dans les limbes d’hier, indiquant – au mètre ainsi qu’à la minute près -et l’endroit et le moment de son déroulement scénique, une chanson nostalgique et vivace au long de laquelle les mémoires conjuguées de la pensée et du cœur, soudainement interpellées, s’épanchent et s’étendent de manière interminable et infinie…
Il est des lieux dans la vie que nous traversons sans nous rendre réellement compte de tout ce qu’ils peuvent représenter…
Par manque de temps, d’attention ou d’observation… nous restons étrangers à des sites et à des instants de vie, au demeurant inconnus, mais qui nous sont viscéralement familiers…
La place du Puig del Mas de Banyuls-sur-Mer séduit tout naturellement qui la découvre et qui en prend derechef – et comme par enchantement – possession…
Une place – au demeurant banale – identique à n’importe quelle place de village, baignée par la douceur de l’été, agora fossile, inviolée et – à son corps défendant – inviolable, témoignant de la simplicité de la vie des gens, avec leurs petits malheurs et leurs grandes espérances…
Un « barral » (tonneau en catalan) dont se dégagent des effluves de vin doux, des lampions balancés par le vent marin, des façades semblant issues des toiles de peintres oubliés – génies fulgurants, qui seraient morts, s’ils avaient pu exister, dans la plus noire des misères -, des couleurs pastel effacées mais vibrantes sous les pinceaux disparus, des musiciens dont les tempos renvoient au gré de leurs notes désuètes à des romances sempiternelles, inachevées, ressouvenues au gré du vent marin ou balayées d’un revers impitoyable sous les assauts sans appel de la tramontane, des anciens qui égrènent leurs passions éteintes, des enfants qui dévorent – comme on consomme avidement sa jeunesse – une glace au chocolat, et puis la pulsion -sensuelle, sensitive, sans y croire – de prendre la main d’une jeune fille entraperçue, au détour d’un désir soudain… de prendre sa main et de danser…
Avec talent, avec pudeur, avec générosité Hugues di Francesco nous offre une vision rassérénante, qui nous réconcilie avec notre passé, et qui marque une pause attendue dans l’inexorable marche du temps…
« La Place du Puig del Mas », avec ses litanies incessantes et inexorables, balance sur un air de valse, un air de valse appelé à voir danser sur ses mesures bon nombre de cœurs, un air de valse appelé à faire tourner, vaciller et sombrer bon nombre de têtes, dans les bals et dans les soirées à venir….
Gravée sur un CD où l’artiste a conjugué les notes les images et les mots qui lui sont si intimement précieux et précis, « La Place du Puig del Mas » devient un sanctuaire de la mémoire, de la ferveur et de l’espoir des petites gens que nous sommes… de ces petites gens que nous demeurons certes, mais qui s’avèrent pourtant pourvus d’ un si grand cœur, pour défendre – et ce à notre humble niveau d’homme – tout ce qui nous est désespérément cher…