C’est sur le territoire de la commune de Tautavel, au lieu-dit »La Devèze », que nous avons pris rendez-vous avec un vigneron du cru. Il voulait nous montrer où en était son vignoble sur cette terre tant choyée, aimée, entourée de tous les soins possibles et imaginables. Certains diraient ; » Comme une amante dans le ciel translucide du soleil couchant un soir d’été ».
C’est l’horreur dans toute son immense laideur qui apparaît sous nos yeux. Une larme de colère vient couler sur nos joues brûlées par le soleil et pourtant habituées à tous les débordements de dame nature.
Ce désastre à portée de regard, Christophe Béchu l’aura évité.
Sur nos photos, c’est un vignoble de grenache noir, d’une vingtaine d’années, en grande partie détruit que nous venons d’immortaliser. Un vignoble en pleine production, qui vient d’être gâché par des années de sécheresse récurrente. À cette époque de l’année, il y a deux ans, la rogneuse était déjà passée. Les raisins qui se montrent, en pleine fleur et qui devraient être cachés par le feuillage, ne sont que des grappillons comme l’atteste notre ami vigneron avec une question : » que vont-ils devenir si le feuillage ne grandit pas ? ». Ceci d’autant plus que la grêle a été de la partie ce 17 mai dernier. En effet, les impacts sont bien visibles sur les sarments encore bien verts.
Déjà, l’an dernier, au moment de la taille, nous avions annoncé dans un article paru dans ces mêmes colonnes le 3 décembre 2023, un manque à gagner certain pour la récolte à venir. Malheureusement, les constatations d’aujourd’hui viennent confirmer nos dires d’alors.
Alors, quelles perspectives pour toute cette profession d’hommes et de femmes courageux qui n’ont de cesse depuis des générations de lutter conte l’adversité qu’elle soit économique ou issu de la nature. Quelle perspective pour la seule économie de ce coin du département ?
L’arrachage primé
N’y aurait-il comme perspective que l’arrachage ? Entrerions-nous dans une septième dimension étrange, surnaturelle et surtout inhumaine ?
Photo réalisée le 24 mai 2024
Il fut un temps où les propos de gens bien intentionnés, mais ne connaissant pas les aléas, les contours, les incompréhensions et les contradictions du monde agricole pouvaient dire : » Dans la vallée de l’Agly, vous faites du bon vin. L’arrachage ne vous posera aucun problème. Il ne vous concerne pas ». D’autres connaissant les situations diverses disaient : » C’est la vallée de l’Agly qui sera la première impactée abandonnée, meurtrie, délaissée, ignorée ». Évidemment, l’arrache primé était pour les régions à fortes productions et pas, selon les vraisemblances, pour celles des vins de qualité. La qualité, vous connaissez ? Ce leurre magique aux parfums de jouissances éternelles ?
Nous en sommes là aujourd’hui. La vallée de l’Agly est abandonnée et le dernier coup de Jarnac se prépare.
Voilà que cet arrachage primé, selon toute vraisemblance, va recommencer. Le prétexte est simple. La consommation de vin a baissé. En conséquence, il faut arracher les vignes. Continuons sur ce même raisonnement. Les gens consomment moins de pain, il faut fermer les boulangeries. Les gens consomment moins de viande, il faut fermer les élevages. Les élus sont corrompus, il ne faut plus d’élections. Les gens ne sont plus capables d’écrire correctement, il faut fermer les écoles. Ils ne lisent plus, arrêtons d’imprimer des livres, etc.
Mais ou allons-nous ?
Par contre nous n’entendons jamais : » Il y a trop d’impôts, il faut les supprimer. Il y a trop d’actionnaires, nous devons les éliminer. »
Il faut arrêter cette spirale destructrice et voir le monde différemment. Un monde au service de l’homme et non à celui de la finance.
Joseph Jourda